Le leader turc a longtemps soutenu en sous-main les jihadistes hostiles à Bachar al-Assad. Il s’en mord les doigts aujourd’hui.
Pour Recep Tayyip Erdogan, le Premier ministre turc, l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL) n’est plus en odeur de sainteté. Le groupe jihadiste qui a fondu sur Mossoul le 10 juin a pris en otages 80 Turcs (dont 49 membres du consulat). Beaucoup y voient un geste de représailles à l’égard d’Ankara. Car, après avoir longtemps soutenu en sous-main les jihadistes hostiles au Syrien Bachar al-Assad, qui ont essaimé en Irak, Erdogan mesure son imprudence et tourne casaque. En juin, les autorités turques ont inscrit l’EIIL et le Front Al-Nosra sur leur liste des organisations terroristes.
Depuis deux ans, alors que les Occidentaux prenaient leurs distances avec une rébellion syrienne de plus en plus dominée par les extrémistes, Erdogan, qui poursuit son ex-ami Assad de sa vindicte, a fermé les yeux sur les transferts d’armes et de combattants aux frontières. Pis, en août 2013 puis en janvier dernier, des camions remplis d’armes ont été interceptés – convoyés, selon la presse turque, avec la complicité des services de renseignements et d’une association islamiste proche du gouvernement d’Ankara.
La haine envers le régime alaouite (chiite) d’Assad et la crainte de voir les Kurdes de Syrie (réputés proches de ce dernier) unir leurs forces à celles de leurs frères de Turquie ont poussé Erdogan à la faute. Aujourd’hui, il se rapproche de l’Iran et tente de renouer avec Barack Obama, qui lui bat froid depuis un an. Le 18 juin, lorsqu’il l’a appelé pour lui parler de la situation en Irak, le président américain a chargé Joe Biden, son vice-président, de répondre à sa place.