Île-de-France : ces exorcistes religieux qui inquiètent la DGSI

« Roqya » ou « hijama » ne sont pas des termes encore répandus auprès du grand public. Mais ces pratiques en pleine expansion, notamment en Île-de-France, sont dans le viseur des autorités. Le Parisien révèle que la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) s’y intéresse de très près et que la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) les pointe du doigt dans un rapport. Bilel Ainine, docteur en sciences politiques, chercheur au CNRS et auteur du rapport « Nouvelles dérives sectaires sous couvert de pratiques rigoristes en islam », évoque « certaines pratiques déviantes portées par des actions religieuses aux agissements douteux ».

La journaliste Lou Syrah s’était longuement confiée au Point il y a quelques mois concernant la roqya, un exorcisme destiné à chasser les djinns, et la hijama, une médecine prophétique qui consiste notamment à appliquer des ventouses et à pratiquer des saignées sur le corps du « patient ». « Il y a plusieurs types de cabinets en France et plusieurs façons de pratiquer », nous racontait la journaliste. « De manière générale, la saignée est réalisée sur des zones dites « points sunna » sur lesquels les guérisseurs vont placer des ventouses chauffées à la bougie. C’est une pratique qui ressemble aux saignées par ventouses que faisaient nos grands-parents à ceci près qu’il est question d’invoquer Dieu pendant la séance. »

 

« Pratiques déviantes » et « racket »

Le Parisien explique que les cabinets proposant cette pratique se sont multipliés en Île-de-France et notamment en Seine-Saint-Denis. Les commerçants « profitent de l’attrait exercé par cette offre thérapeutique médico-spirituelle en proposant des formules qui, en plus d’être le plus souvent en rupture avec les rituels traditionnels de l’islam en la matière, recèlent des pratiques déviantes qui relève du pénal ». Bilel Ainine évoque « un aspect mercantile » qui, « dans de nombreux cas, flirte avec le racket », et des dizaines de victimes escroquées chaque année, alors que les séances se monnayeraient entre 50 et 100 euros généralement, avec un paiement en liquide.

 

« Plusieurs dizaines de négoces de ces pratiques ont pignon sur rue, sans compter les nombreux particuliers et les centres de formation » selon un agent du renseignement interrogé par Le Parisien, qui dénonce une pratique « commerciale, communautaire, en lien avec le séparatisme et particulièrement prisée par les femmes mais qui n’est pas nécessairement en lien avec la radicalisation ». Selon lui, des séances de formation sont également proposées. Entre 10 et 40 personnes se retrouveraient dans des hôtels et paieraient entre 500 et 1 000 euros pour se voir remettre de faux « certificats de praticien ». La communication se fait sur Internet, via les réseaux sociaux, les plateformes de vidéo en ligne, ou par bouche-à-oreille.

Anne Josse, secrétaire générale de la Miviludes, appelle à « la vigilance ». Selon elle, les dérives se multiplient et peu de victimes osent porter plainte, alors que ces pratiques tendent « à se banaliser en raison d’un regain d’intérêt pour les rituels magico-religieux et d’une forte demande du public ».

 

Le Point

Fatima Achouri

Sociologue spécialiste de l’islam contemporain.

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