Human Rights Watch (HRW) et Médecins sans Frontières (MSF) accusent les autorités israéliennes de commettre un génocide à Gaza et appellent les Etats, en particulier les plus proches alliés d’Israël, à agir sans délai pour mettre fin à une impunité qui n’a que trop duré.
Après la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) ou encore, récemment, Amnesty International, c’est au tour de Human Rights Watch (HRW) et de Médecins sans Frontières (MSF) d’enfoncer le clou.
Pour l’ONG de défense des droits humains, « Israël commet le crime d’extermination et des actes de génocide à Gaza ». Dans son rapport publié jeudi 19 décembre, elle affirme que « les autorités israéliennes ont délibérément créé des conditions de vie visant à causer la destruction d’une partie de la population de Gaza, en privant intentionnellement les civils palestiniens de l’enclave d’un accès adéquat à l’eau, ce qui a probablement causé des milliers de morts ». « Il ne s’agit pas juste de négligence, mais d’une politique délibérée de privation ayant entraîné des milliers de décès par déshydratation et maladie, ce qui constitue le crime contre l’humanité d’extermination et un acte de génocide » qui se poursuit actuellement, fait valoir Tirana Hassan, directrice exécutive de HRW.
Des milliers de morts qui devront s’ajouter aux plus de 45 000 victimes directes
Ses conclusions sont accablantes : « Les autorités israéliennes ont intentionnellement créé des conditions de vie visant à causer la destruction physique des Palestiniens de Gaza, en totalité ou partiellement », une politique « infligée dans le cadre de la tuerie de masse de civils palestiniens à Gaza » et qui correspond non seulement au « crime contre l’humanité d’extermination » mais aussi à « l’un des cinq « actes de génocide » prévus par la Convention de 1948 sur le génocide ».
La quasi-totalité de l’aide humanitaire liée à l’approvisionnement en eau, y compris les systèmes de filtration de l’eau, les réservoirs et le matériel nécessaire à la réparation des infrastructures d’approvisionnement en eau, est interdite d’entrée, tandis que les forces israéliennes ont « délibérément ciblé et endommagé ou détruit plusieurs installations importantes d’approvisionnement en eau, d’assainissement et d’hygiène ».
« L’anéantissement du système de santé de Gaza, y compris en ce qui concerne le suivi des données de santé, fait que les cas confirmés de maladies et de décès potentiellement liés à des maladies d’origine hydrique, à la déshydratation et à la famine ne sont pas systématiquement enregistrés ou signalés ». Or, « en s’appuyant sur des entretiens avec des professionnels de santé et des épidémiologistes, il est probable que les opérations des autorités israéliennes ont entraîné la mort de milliers de personnes », s’ajoutant au plus de 45 000 victimes directes recensées. L’intention génocidaire pourrait « être déduite de cette politique ainsi que de certaines déclarations de responsables israéliens suggérant qu’ils souhaitaient détruire les Palestiniens de Gaza », ajoute HRW.
« Le blocus ininterrompu de la bande de Gaza par le gouvernement israélien, ainsi que le bouclage par Israël de l’enclave pendant plus de 17 ans, représentent également une punition collective infligée à la population civile, ce qui constitue un crime de guerre », martèle l’ONG, qui indique que « le bouclage s’inscrit aussi dans le cadre des crimes contre l’humanité d’apartheid et de persécution que les autorités israéliennes continuent de commettre contre les Palestiniens ».
« Plusieurs gouvernements ont sapé les initiatives pour que des comptes soient rendus, et continuent à fournir des armes à Israël malgré le risque évident de se rendre complices de violations graves du droit international humanitaire », dénonce HRW. Face au carnage, les Etats doivent « stopper tout risque de complicité dans les atrocités commises à Gaza » et « prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir un génocide à Gaza, y compris en suspendant leur aide militaire, en réexaminant leurs accords bilatéraux et leurs relations diplomatiques avec Israël, et en soutenant la Cour pénale internationale et les autres initiatives pour rendre justice ».
Les pays occidentaux appelés à mettre fin à « leur soutien inconditionnel à Israël »
Le rapport de MSF intitulé « Gaza : la vie dans un piège mortel » n’est pas non plus tendre envers Israël, accusé de mener une « campagne de destruction totale » contre les civils palestiniens depuis octobre 2023. « Les habitants de Gaza luttent pour survivre dans des conditions apocalyptiques, mais aucun endroit n’est sûr, personne n’est épargné et il n’y a pas d’issue dans cette enclave en ruines », a déclaré Christopher Lockyear, secrétaire général de MSF.
« La récente offensive militaire dans le nord est une illustration de la guerre sans merci que les forces israéliennes mènent contre Gaza, et nous voyons des signes évidents de nettoyage ethnique alors que les Palestiniens sont déplacés de force, pris au piège et bombardés », a-t-il appuyé. « Ce que nos équipes médicales ont observé sur le terrain tout au long de ce conflit correspond aux descriptions d’un nombre croissant d’experts juridiques et d’organisations qui concluent qu’un génocide est en cours à Gaza. Bien que nous n’ayons pas l’autorité juridique pour établir l’intentionnalité, les signes de nettoyage ethnique et la destruction en cours, incluant les massacres, les blessures physiques et psychologiques graves, les déplacements forcés et les conditions de vie impossibles pour les Palestiniens assiégés et bombardés, sont indéniables. »
En conséquence, l’ONG humanitaire, qui compte huit morts dans ses rangs, appelle les États, « en particulier les plus proches alliés d’Israël », « à mettre fin à leur soutien inconditionnel à Israël et à s’acquitter de leur obligation de prévenir un génocide à Gaza ». Ceci d’autant plus que les autorités israéliennes n’ont pris aucune mesure significative pour se conformer à l’ordonnance de la Cour internationale de justice (CIJ). « Au contraire, elles continuent d’empêcher MSF et d’autres organisations humanitaires de fournir une assistance vitale aux personnes prises au piège du siège et des bombardements », dénonce l’ONG.
« Alors que les possibilités de soins médicaux diminuent à Gaza, Israël a rendu encore plus difficile les évacuations médicales. Entre la fermeture du point de passage de Rafah début mai 2024 et septembre 2024, les autorités israéliennes n’ont autorisé l’évacuation que de 229 patients, soit 1,6 % de ceux qui en avaient besoin », signale-t-elle.
« En tant que puissance occupante, Israël a la responsabilité de garantir l’acheminement rapide, sans entrave et en toute sécurité de l’aide à un niveau suffisant pour répondre aux besoins de la population. Au lieu de cela, le blocus et les obstructions continues ont rendu presque impossible l’accès des habitants de Gaza aux biens essentiels ». Les autorités israéliennes doivent « mettre fin à son siège sur le territoire » et « ouvrir les frontières terrestres, y compris le point de passage de Rafah, pour permettre une augmentation massive de l’aide humanitaire et médicale », tandis que les États doivent sans délai « user de leur influence pour alléger les souffrances de la population » et « faire respecter les règles de la guerre ».
Saphirnews.