Il faut considérer toutes les religions

Mgr Dubost : « Manifester de la considération aux juifs et musulmans ne doit pas conduire à négliger les chrétiens »

Évêque d’Évry et président du conseil pour les relations interreligieuses de la Conférence des évêques de France, Mgr Michel Dubost réagit aux inquiétudes manifestées par certains catholiques quant à une différence de traitement entre les principales religions de la part des autorités de l’État.

 

 

Entendez-vous des plaintes de vos diocésains quant à une « différence de traitement » entre les religions de la part des politiques ?

Mgr M. D. : Il faut reconnaître que nos élus sont dans une situation relativement difficile : ils sont habitués à pratiquer la laïcité avec les catholiques. Par ailleurs, certains éléments de notre culture française sont d’origine chrétienne : ainsi tout le monde fête Noël même si on oublie que cette fête est d’origine chrétienne. Dès lors, comment manifester de la sympathie aux musulmans lors de l’Aïd ou aux juifs pour Kippour tout en restant dans ce cadre de la laïcité ? C’est vrai que c’est compliqué…

Je pense aussi que dans les cabinets ministériels, beaucoup des gens sont sensibles à l’islam et au judaïsme parce que s’y rattachent des questions délicates. En revanche, personne ne pense tellement aux catholiques. Comme les politiques ne doivent jamais laisser soupçonner aux représentants des communautés juives et musulmanes qu’on les méprise, du coup ils en viennent à négliger les chrétiens !

Quels liens faut-il entretenir avec les responsables politiques ?

Mgr M. D. : Nous devons avoir les liens les plus respectueux, voire amicaux, possibles. Personnellement, j’aime inviter les maires de mon diocèse à un déjeuner lorsqu’un sujet important se présente – les Roms, l’anniversaire de la loi de 1905, etc. – pour échanger avec eux et qu’ils se rencontrent.

Et que penser de ces polémiques incessantes sur ces cloches qui ne doivent plus sonner, ces sapins, ces pères Noël, ces crèches ou ces galettes que l’on ne veut plus voir au nom de l’égalité de traitement entre les religions ?

Mgr M. D. : Sur cette question, j’ai l’habitude d’être très clair avec tous mes interlocuteurs : les gens qui viennent en France viennent en France, pas ailleurs. Pour le moment, les coutumes françaises sont celles-là et elles comportent des crèches, des cloches et des galettes. D’ailleurs, je vois des sapins chez tous les amis musulmans chez qui je me rends ces jours-ci ! Si la laïcité nie ceci, alors elle oublie notre histoire.

Il y a un moment où l’on risque de favoriser l’extrême droite en niant la culture française. Il faut au contraire partir d’elle pour que les Français ne se sentent pas dépossédés. Beaucoup de musulmans sont français. Nous devons les accueillir, les respecter, leur montrer qu’ils ont de l’importance pour nous, les saluer au moment de l’Aïd par exemple mais pas au détriment de notre identité historique. Sinon nous fabriquons des gens « toutes griffes dehors ».

 

La Croix

 

F. Achouri

Sociologue.

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