La police de New York ferme son unité dédiée à la surveillance des musulmans

 

La « zone d’évaluation » de la police de New York n’existe officiellement plus. Derrière ce nom obscur se cachait depuis 2003 une unité secrète de la police chargée de surveiller les musulmans – ou considérés comme tels – de la ville. Mardi 15 avril, face aux polémiques suscitées par la révélation de son existence, la police de New York le (New York Police Department, NYPD) a mis fin à ses activités.

Pendant une dizaine d’années, une douzaine d’agents de cette unité créée au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 – et d’abord baptisée « Unité démographique » – ont enquêté sur les communautés musulmanes de New York et de sa proche banlieue, en dressant des rapports détaillés sur leurs habitudes. Un document interne de la police publié en 2011 par l’agence Associated Press montrait le quadrillage systématique de tous les lieux où les musulmans de New York avaient pour habitude de se rendre, en recensant des photos et des informations détaillées. Une équipe d'une douzaine de personnes étaient dédiée, au sein de la police de New York, de surveiller particulièrement les milieux musulmans.

Avec l’objectif de prévenir les actes terroristes, l’unité envoyait également des agents infiltrer la communauté. Habillés en civil, ils se rendaient à la mosquée pour enregistrer les prêches, fréquentaient les librairies religieuses et déjeunaient dans les restaurants hallal. Dans un article du New York Times, un journaliste précise : « En plus des cartes et des photos, la police répertoriait là où les Albanais jouaient aux échecs l’après-midi, là où les Egyptiens regardaient les matchs de football, là où les Sud Asiatiques jouaient au cricket. » Il était demandé à chaque infiltré d’échanger un maximum avec ses cibles pour « juger de leurs sentiments » sur les États-Unis.

UNE POLITIQUE SECURITAIRE QUI VIOLE LES LIBERTES CIVIQUES

John Miller, le numéro deux de la police de New York a jugé qu’après onze années d’activités, l’unité de surveillance n’était « plus viable ». Malgré les moyens déployés, les investigations n’ont jamais prouvé l’existence de terroristes parmi les cibles surveillées. Le 15 avril, dans le New York Times, un agent du FBI soulignait au contraire le risque de nuisance de ces programmes de surveillance, qui instillent un climat de défiance parmi les musulmans, irrités par cette suspiscion généralisées.

La plus grande police municipale des Etats-Unis est actuellement impliquée dans deux procès fédéraux pour cette surveillance massive. L’avocat Martin Stolar, spécialisé dans la défense des droits civils, dénonce une politique sécuritaire qui viole les libertés civiques. Plusieurs associations ont repris ses arguments. Linda Sarsour, la directrice de l’Association américano-arabe de New York déplore l’action de la police qui déploie des infiltrés dans les mosquées sans qu’un crime ou un délit n’ait été commis. Un de ses confrères renchérit : « Le problème ne réside pas dans la collecte secrète de données, mais dans la collecte de données tout court. »

En suspendant l’activité de l’unité, le nouveau commissaire de la police de New York, William Bratton, semble imposer une rupture avec les méthodes antiterroristes de ses prédécesseurs, axées depuis le 11-Septembre sur une stratégie de surveillance préventive. Pour autant, les associations sont circonspectes : « Rien ne nous prouve que ces pratiques très problématiques vont être arrêtées », met en garde Linda Sarsour.

 

Le Monde/ AFP

F. Achouri

Sociologue.

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