L’introduction de la charia dans le sultanat de Brunei a provoqué un appel au boycott contre dix hôtels de luxe de la chaîne Dorchester, dont le Meurice et la Plaza Athénée à Paris.
Propriété de l’Agence d’investissement de Brunei, un fonds souverain contrôlé par le sultan de Brunei, le richissime Hassanal Bolkiah, la Dorchester Collection rassemble dix hôtels de luxe dont les palaces parisiens Plaza Athénée et Meurice, le Dorchester et 45 Park Lane à Londres, ou encore le Bel-Air et le Beverly Hills Hotel à Los Angeles.
Lancé juste après l’introduction de la loi islamique dans le sultanat situé sur l’île de Bornéo (Asie du sud-est), l’appel au boycott de ces hôtels commence à produire des effets : des hôtels et restaurants du groupe ont enregistré des annulations.
Soutien du commissaire européen Karel De Gucht
Ces appels au boycott ont même reçu vendredi 30 mai l’appui inattendu du commissaire européen au commerce, le belge Karel De Gucht.
Le commissaire « soutient la campagne de sensibilisation contre la loi inacceptable sur la charia, via le boycottage des hôtels Dorchester par de nombreuses personnalités internationales », a annoncé son porte-parole John Clancy, sur son compte Twitter.
Avant lui, étaient intervenus notamment le patron de Virgin, le milliardaire britannique Richard Branson, le PDG du groupe de luxe Kering (Gucci, Saint Laurent…) François-Henri Pinault, le comédien britannique Stephen Fry, l’animatrice de télévision américaine Ellen DeGeneres ou encore la célèbre rédactrice en chef de Vogue aux États-Unis, Anna Wintour.
La chaîne hôtelière dénonce de l’« acharnement »
La papesse de la mode avait déclaré qu’elle ne pouvait « en conscience » continuer de descendre au Meurice à Paris bien qu’elle l’affectionne, « de même que les rédacteurs en chef de Vogue », et ce, malgré le « fort impact que la situation peut avoir sur l’équipe » du palace de la rue de Rivoli.
Et d’évoquer le risque que les hôtels de la Dorchester Collection soient « désertés au profit de la concurrence » pendant les prochaines « fashion weeks » à Londres, Milan et Paris.
Interrogé par l’AFP vendredi, le directeur général de Dorchester Collection, François Delahaye, s’est dit « stupéfait de voir l’ampleur que cette affaire prend », en s’inquiétant de son impact pour les 3500 salariés.
« C’est de l’acharnement. Et les seules personnes qui vont être affectées par ce boycott, ce sont les 3500 salariés du groupe, certainement pas le sultan », a-t-il estimé, soulignant ne pas être « en train de défendre la charia, loin de là ». « Mais qu’est-ce qu’un aubergiste a comme poids face à une décision politique et religieuse ? »
« Pas une prise de position contre la charia en général », précise le groupe Kering
Par ailleurs, « si on devait sanctionner tous les hôtels de prestige qui ont des capitaux là où sévit la charia, il n’y aurait plus beaucoup d’hôtels de prestige où descendre », selon lui.
Le responsable de Dorchester Collection a dénoncé certaines « réactions hypocrites » : « M. Pinault nous boycotte alors que beaucoup de marques de luxe de son groupe vendent dans des pays où on pratique la charia. Avant de donner des leçons aux autres, on balaie devant sa porte ».
Le groupe Kering, dirigé par François-Henri Pinault, a toutefois précisé samedi soir que sa décision de boycotter les hôtels de la Dorchester Collection n’est « pas une prise de position contre la charia en général ».
Pour le groupe de luxe, il s’agit uniquement de protester « contre l’application du nouveau code pénal décidé par le sultan de Brunei qui inclut des mesures attentatoires à la dignité humaine, notamment la peine de mort par lapidation pour l’adultère et l’homosexualité ».
La Croix