Églises, évêchés, monastères font l’objet d’assauts et de destructions systématiques, alors que Mossoul a été quasiment vidée de ses chrétiens.
Des exactions qualifiées de « crimes contre l’humanité » par la communauté internationale.
Alors que les voix s’élèvent à l’international pour condamner les persécutions menées par les djihadistes de l’État islamique (EI) contre les chrétiens en Irak, les exactions se poursuivent sur le terrain.
« Vous n’avez plus de place ici, vous devez quitter les lieux immédiatement »
Dimanche 20 juillet 2014, les insurgés de ce groupe ultra-radical sunnite ont fait irruption dans l’un des lieux les plus anciens et révérés du christianisme en Irak, le monastère de Mar Behnam, non loin de la ville chrétienne de Qaraqosh. « Vous n’avez plus de place ici, vous devez quitter les lieux immédiatement », ont-ils intimé à la communauté de moines syriens-catholiques qui y résidait. Chassée de chez elle à pied, sans rien pouvoir emporter, la petite dizaine de religieux a été prise en charge par des Peshmergas kurdes qui les ont conduits vers Qaraqosh.
Un autre monastère, Mar Gorguis, à la périphérie nord de Mossoul, a également été saccagé par les hommes de l’EI, qui occupent par ailleurs les évêchés syriens-orthodoxes et chaldéens.
Escalade de violence
Depuis Rome, où le pape François consulte de nombreux évêques orientaux – il a reçu mardi 22 juillet 2014 le nonce apostolique en Irak – Mgr Georges Casmoussa, ancien archevêque syrien-catholique de Mossoul, raconte l’assaut mené samedi 19 juillet 2014 par les hommes de l’EI contre son ancien archevêché. « Ils ont fait descendre les portraits des patriarches et les ont brûlés devant le bâtiment. Quatre églises (syrienne-catholique, syrienne-orthodoxe et arménienne-orthodoxe) donnent sur la cour de l’évêché, dont notre ancienne cathédrale remontant au XIIe siècle. » Depuis, des rumeurs difficilement vérifiables font état d’un incendie ayant ravagé tout le bâtiment.
« Nous craignons beaucoup pour le patrimoine artistique de Mossoul, où l’EI a déjà démoli des mausolées ainsi qu’une statue de la Vierge qui dominait l’ancien évêché chaldéen », déplore Mgr Casmoussa.
Sur les 35 000 chrétiens vivant à Mossoul avant le début de l’offensive de l’EI, presque tous ont fui la ville avant l’expiration de l’ultimatum lancé contre eux la semaine dernière. Les djihadistes leur ont laissé quelques heures pour « se convertir à l’islam, payer une taxe spéciale ou quitter la ville », sous peine de périr par « l’épée ».
« Purification religieuse »
Faraj-Benoît Camurat, président de l’association Fraternité en Irak, particulièrement active dans la plaine de Ninive, n’hésite pas à parler de « purification religieuse », l’EI et son calife autoproclamé cherchant à instaurer une théocratie où tout le monde pratique le même islam, réputé pur et intégral. « La présence des minorités, en particulier des chrétiens, gêne l’EI dans la réalisation de cet objectif », ajoute-t-il.
Au chapitre des réactions, le Conseil de sécurité de l’ONU a dénoncé mardi 22 juillet 2014 un « un crime contre l’humanité pour lequel les responsables devront rendre des comptes ». La veille, l’Organisation de la coopération islamique (OCI) condamnait depuis Djeddah (Arabie saoudite) un « crime intolérable » de la part de l’EI, dont « les pratiques n’ont rien à voir avec l’islam et ses principes de tolérance et coexistence ».
Tout en soulignant le lien idéologique et économique entre l’islam wahhabite de l’Arabie saoudite et l’islam « violent et rétrograde » de l’EI, Antoine Fleyfel, spécialiste du Proche-Orient à l’Université catholique de Lille, juge cette déclaration bienvenue.
« Le monde musulman, en particulier au Proche-Orient, n’a qu’une réaction extrêmement timide alors que les chrétiens palestiniens, irakiens ou syriens n’hésitent jamais à monter au créneau quand leurs pays sont en difficulté. » Cela n’empêche pas que des musulmans de la rue ouvrent leurs portes aux réfugiés chrétiens, comme le rapportent des médias arabes en Irak et au Liban.
La Croix