À Oran, des femmes revendiquent leur place dans l’islam

L’une des invitées, Asma Lamrabet, présidente du Groupe international d’études et de réflexion sur femmes et islam (GIERFI), encourage les femmes à s’emparer d’arguments théologiques pour défendre leurs droits.

Pourquoi ce congrès sur la place de la femme dans l’islam est-il si important à vos yeux ?

Asma Lamrabet : Tout ce qui peut rassembler les femmes musulmanes aujourd’hui est un pas en avant pour l’islam. Ce congrès, comme d’autres auparavant et à venir, permet à toutes les femmes qui ont réfléchi à la question de revendiquer leur place à l’échelle du monde arabe mais aussi sur la scène internationale.

Ce sont désormais elles qui parlent et non plus des hommes qui parlent pour elles. Le fait qu’elles ne soient plus des objets d’étude mais bien les actrices de cette lutte renforce leur écho.

Il y a en Occident une image récurrente de la femme musulmane soumise. Nous en revenons toujours à la question de la burqa, du voile, de la violence. Il faut rester attentif à cette vision stéréotypée de la femme en Occident parce qu’elle ne vient pas de nulle part. On ne pourra pas lutter contre cela sans se remettre en question. Mais il ne faut pas non plus se limiter à cette vision simpliste.

Lorsqu’on vit dans un pays arabe, on voit les changements. On voit cette volonté des musulmanes de relire le religieux à partir de leur regard de femme. Cela ne les empêche pas d’être critiques, mais cela leur permet d’avancer.

La situation de la femme a-t-elle empiré avec les événements tragiques récents dans le monde arabe ?

A. L. : La situation des femmes a complètement régressé dans ces régions du monde, en particulier ces derniers mois. Je pense à l’Irak, la Syrie ou encore l’Égypte : l’idéologie extrémiste radicale wahhabite y a créé un désastre. Les femmes y ont perdu tous les droits qu’elles avaient acquis il y a dix ou vingt ans. C’est un fait, quelle que soit la religion, ce sont bien souvent les femmes qui paient le prix fort dans le chaos et la guerre.

Mais ces tensions concernent une partie du monde musulman. Les 1,3 milliard de musulmans du monde ne se réduisent pas à cela. Nous vivons aujourd’hui des métamorphoses profondes loin de ces régressions et de cette haine. Ce congrès en est la preuve.

Certaines femmes musulmanes présentes ont de hautes responsabilités. Et je ne parle pas de celles qui dirigent des pays entiers comme Hasina Wajid, premier ministre du Bangladesh, ou encore Loubna Al Qasimi, ministre de la Coopération internationale et du développement des Émirats Arabes Unis.

L’islam est-il une religion qui laisse la femme au second rang ?

A. L. : C’est là qu’il faut savoir de quoi on parle lorsqu’on parle d’islam. Dans le texte, l’islam porte un véritable message libérateur, aussi bien pour l’homme que pour la femme. Tout simplement parce qu’on ne peut pas concevoir un Dieu injuste et discriminant.

Les femmes musulmanes ont compris que ce n’est pas l’islam comme message religieux qui les discrimine aujourd’hui mais la lecture politique et institutionnelle qui en a été faite tout au long de l’histoire.

D’ailleurs cette misogynie patriarcale au nom des religions est, selon moi, universelle et concerne à différents degrés les trois religions monothéistes. Il est du devoir des femmes aujourd’hui d’acquérir les outils et les arguments théologiques pour se défendre contre une discrimination injustifiable aux yeux de Dieu.

 

La Croix

F. Achouri

Sociologue.

Nos services s'adressent notamment aux organisations publiques et privées désireuses de mieux comprendre leur environnement.

Articles recommandés