Le président de la Conférence des évêques de France a ouvert mardi 24 mars, à Lourdes, l’Assemblée plénière de printemps des évêques.
Au-delà d’un large tour d’horizon de l’actualité – chrétiens d’Orient, Europe, Synode de la famille –, Mgr Georges Pontier est revenu longuement sur les conséquences des attentats de janvier sur l’expression des religions dans l’espace public, mettant en garde contre « une surveillance soupçonneuse ».
Deux mois et demi après les attentats parisiens de janvier, à cinq jours du second tour des élections départementales… Ouvrant mardi 24 mars l’Assemblée plénière de printemps des évêques qui se tient à Lourdes jusqu’à vendredi, le président de la conférence des évêques de France (CEF), Mgr Georges Pontier a consacré une large part de son discours aux menaces qui pèsent sur la cohésion nationale et sur le sens du bien commun, appelant avec vigueur chacun à prendre ses responsabilités pour les préserver et les entretenir.
« Quelle société voulons-nous vivre et construire ensemble ? Quelles ressources allons-nous déployer pour que la devise de notre République – Liberté, Égalité, Fraternité – inspire les choix de notre société ? Il ne suffit pas de la proclamer et de la re-proclamer. Il s’agit de la mettre en œuvre. Cela suppose l’engagement de chacun et de tous. Cela suppose le respect de l’expression légitime des diversités qui composent notre société », a soutenu l’archevêque de Marseille.
« Une laïcisation de la société »
Ce faisant, Mgr Georges Pontier a repris devant l’hémicycle un thème qu’il avait développé le 10 mars, avec de rares accents de gravité, lors d’une audition devant l’Observatoire de la laïcité.
Il avait alors déploré « une forme de laïcisation de la société, c’est-à-dire la mise en œuvre du projet de cantonner l’expression des convictions religieuses des citoyens dans le seul espace privé, lequel devient de plus en plus circonscrit ». « Ou du moins ce qui est défini comme espace public devient de plus en plus étendu », avait-il ajouté, y voyant « un soupçon porté sur les religions, un jugement négatif et sévère, une crainte injustifiée et surannée ».
Mardi 24 mars, à Lourdes, le président de la conférence des évêques de France a évoqué de nouveau « des durcissements » à l’égard de l’expression des religions dans l’espace public.
Début mars, une proposition de loi imposant la neutralité religieuse dans les établissements d’éducation privés avait suscité un débat dans le pays, avant que son examen devant l’Assemblée nationale soit repoussé après les élections départementales. Ces derniers jours, la décision du maire UMP de Châlon-sur-Saône de supprimer les menus de substitution dans les cantines scolaires de sa ville a elle aussi déclenché une vive polémique.
Soupçon sur la liberté religieuse
Ces tensions, récurrentes depuis janvier, ont obligé Mgr Pontier à livrer une définition de la laïcité telle que la conçoit l’Église catholique. Et à rappeler l’État à ses devoirs, loin de toute tentation d’effacer les religions de la sphère publique :
« La laïcité de l’État est gardienne de la liberté de conscience, de la liberté religieuse, de la liberté de culte, comme de celle de ne pas en avoir. Elle veille à la paix civique tout en permettant le vivre ensemble de citoyens aux convictions diverses », a rappelé le président de la CEF.
Avant de délivrer un message ferme : « On ne peut assurer cette paix en surveillant les uns, en leur demandant de renoncer à l’expression de leurs convictions religieuses tout en permettant à d’autres de les stigmatiser. L’État ne saurait passer sans risque de la garantie des libertés à leur surveillance soupçonneuse. De plus on ne peut bâtir un projet de société sans que le souci de l’égalité dans l’accès aux biens élémentaires que sont le logement, le travail, l’éducation et la santé ne soit assuré pour tous. »
Pour Mgr Hervé Giraud, archevêque de Sens-Auxerre et prélat de la Mission de France, présent hier dans l’hémicycle Sainte-Bernadette, cette affirmation est fondamentale : « Les crispations sur la laïcité, née de l’actualité post-Charlie, ne nous empêchent pas de nous intéresser aux autres dimensions de l’actualité. Hier, Mgr Pontier a aussi parlé de l’Ukraine, de l’Europe ou du logement. Ce large tour d’horizon était aussi une façon de montrer que nous ne renonçons pas à la spécificité de notre point de vue. Être catholique, ce n’est pas adopter une position politique, c’est s’intéresser à tous. »
La Croix