Tour du monde de l’intolérance religieuse

Il n’y a pas qu’en terre d’islam que les chrétiens sont persécutés, et ils ne sont pas forcément les seuls à l’être. De l’Inde au Vietnam, tour d’horizon des pays où des croyants sont opprimés pour leur foi.

 

Manifestation de chrétiens en Inde pour protester après le viol d'une religieuses âgée en mars 2015 - © SANJAY KANOJIA / AFP   L’islamisme violent est la principale cause de la persécution des chrétiens aujourd’hui. Mais il n’en a nullement le monopole. Le communisme demeure un des persécuteurs les plus importants. Malgré des progrès en Chine, comme au Vietnam, la répression dans les pays communistes risque à tout moment de s’abattre sur les Églises. Le régime dictatorial de la Corée du Nord est toujours considéré comme le plus violemment antichrétien de tous. Ailleurs, toutes sortes de tribalismes et de pouvoirs abusifs font des victimes chrétiennes, comme le nationalisme hindou en Inde.

Inde : Des conversions contre de l’instruction

Une large majorité de la population indienne est hindoue, pour environ 2 % de chrétiens, soit 24 millions de personnes. Pour le Parti du peuple indien (BJP) au pouvoir depuis 2014, l’essence de la nation indienne est exclusivement hindoue : par leur origine exogène, les religions chrétienne et musulmane menaceraient cette identité. Sept des 29 États de l’Union indienne disposent d’une loi anti-conversion, qui punit au nom de l’ordre public les conversions obtenues « par la force » ou par des « moyens frauduleux ». Paradoxalement, le Ghar Wapsi (« retour à la maison ») se développe dans le pays. Cet ensemble de rituels hindous permet la conversion publique et collective de chrétiens ou de musulmans. Des milliers d’entre eux seraient devenus hindous. Ces conversions sont fréquemment obtenues par des promesses : ouverture d’écoles, alliances matrimoniales. Cette année, à New Delhi, cinq églises ont été vandalisées en deux mois, et la marche de protestation organisée en réponse à ces profanations s’est soldée par l’arrestation de 200 chrétiens.

Corée du Nord : Rester caché pour survivre

Dans l’une des dictatures les plus fermées au monde, la persécution des chrétiens perdure depuis la mise en place de la dynastie des Kim au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Avant 1945, 500 000 chrétiens étaient présents en Corée du Nord, la capitale actuelle Pyongyang était même surnommée « la Jérusalem de l’Orient » en raison du nombre important de ses églises. Mais en seulement dix ans, toute trace visible du christianisme a été effacée. Aujourd’hui, les quelque 200 000 à 400 000 chrétiens doivent garder leur foi secrète pour survivre. S’ils sont découverts, ils sont envoyés aux travaux forcés et meurent souvent d’épuisement. Dans un pays où toute célébration religieuse qui n’aurait pas pour objet le culte de la personnalité de Kim Il-Sung et de ses descendants représente un danger, le christianisme est considéré comme une menace contre l’État à cause de ses liens potentiels avec l’Occident, qui entraveraient le développement du dernier régime communiste stalinien.

Sri Lanka : Des citoyens de seconde classe

Après la fin de la guerre civile entre Cinghalais et Tamouls en 2009, des groupes extrémistes bouddhistes ont émergé et ont commencé à stigmatiser les autres religions, dont les chrétiens, mais aussi les hindous et les musulmans, considérés comme des citoyens de seconde classe. Les chrétiens ne ­représentent que 8 % de la population sri-lankaise, mais la communauté religieuse détient un rôle clé, puisqu’elle est la seule communauté dont les adeptes appartiennent à différents groupes ethniques. Leur situation semble s’améliorer depuis peu, le nouveau gouvernement ayant pris des mesures positives pour lutter contre l’intolérance religieuse. Fin avril, le président Maithripala Sirisena a approuvé un projet de loi visant à sanctionner les discriminations ­ethniques et religieuses au Sri Lanka. Par cette décision, le gouvernement tient également à doter les institutions judiciaires de moyens de lutte, notamment contre les nombreuses attaques de lieux de culte musulmans et chrétiens.

Birmanie : Violations répétées de la liberté religieuse

Pendant près de 50 ans, le pays a été régi par une série de dictatures militaires. Le régime persécutait les chrétiens du peuple Chin situé dans l’Ouest du pays. Durant la junte, les soldats birmans ont détruit les lieux de culte, les villages, les maisons des fidèles. En 2011, le régime militaire a officiellement laissé la place à un pouvoir civil dirigé. Même si aujourd’hui la population chrétienne souffre moins des persécutions, elle est toujours une cible privilégiée. Un rapport de la CHRO (Chin Human Rights Organization), publié en 2014, dénonce les violations de la liberté religieuse des Chins chrétiens et appelle le gouvernement à réagir. Des milliers de Chins ont déjà fui les discriminations et la pauvreté, en ­Malaisie ou en Inde. Une grande partie de l’État Chin reste encore inaccessible à l’aide humanitaire. Famine, malnutrition, maladie sont les souffrances quotidiennes de cet État considéré comme l’un des plus pauvres d’Asie du Sud-Est. Aujourd’hui, le régime birman semble reprendre ses persécutions sur les Rohingyas, une minorité musulmane victime depuis 2012 d’une véritable épuration ethnique.

Chine : Cachez-nous ces croix…

Dans les années 1960 et 1970, le régime communiste a fait subir aux chrétiens une des campagnes de persécution les plus implacables jamais enregistrées. Cette répression folle relâchée, le pays a connu, dès les années 1980, des dizaines de millions de conversions au christianisme, faisant dire à l’association Portes ouvertes qu’il s’agit du « plus grand réveil jamais vu au monde ». Aujourd’hui, il y aurait entre 80 et 100 millions de chrétiens, majoritairement des évangéliques, sur 1,4 milliard d’habitants. Or, la répression, moindre, mais imprévisible, risque à tout moment de s’abattre sur les différentes communautés. Ainsi, dans la province de Zhejiang, les autorités ont interdit les croix au sommet des nombreuses églises et clochers et sont actuellement en train de les abattre ! L’idée étant apparemment de lutter contre la présence visible des chrétiens dans une province où leur nombre explose, menaçant de dépasser les effectifs du Parti communiste. Dans la province de ­Wenzhou, connue pour le nombre des conversions, des églises ont purement et simplement été démolies. En même temps et ailleurs, des groupes de chrétiens peuvent mener une vie paisible. Selon Portes ouvertes, les chrétiens courent le risque de subir la persécution quand leur Église est perçue comme trop puissante ou trop politique, surtout quand elle semble concurrencer les services fournis par l’État. Concernant l’Église catholique, qui aurait 20 millions de fidèles, les autorités continuent de vouloir imposer les évêques qu’elles auraient elles-mêmes choisis, ce que le Vatican ne peut accepter.

Érythrée : Surveillance et répression

Depuis son indépendance par rapport à l’Éthiopie en 1993, l’oppression qui pèse sur les chrétiens en Érythrée ne cesse de s’accentuer. Parmi les différentes branches chrétiennes, seules les Églises orthodoxe, luthérienne et catholique sont reconnues, mais elles sont également surveillées de très près, et toutes les décisions prises doivent d’abord être approuvées par le gouvernement. Les autres Églises, évangélique, pentecôtiste ou les Témoins de Jéhovah, sont interdites depuis 2002. Leurs adeptes sont traqués et soumis à un espionnage constant. Ils deviennent les cibles d’arrestations et sont détenus dans des conditions inhumaines, subissant des actes de torture et de mauvais traitements en raison de leurs activités religieuses non autorisées et considérées comme une atteinte à la sécurité nationale. Jusqu’à 3 000 personnes seraient emprisonnées pour motifs religieux en Érythrée. Les chrétiens, principalement les jeunes, continuent de quitter en masse le pays.

Laos : La chasse aux agents occidentaux

Ce petit pays communiste est majoritairement adepte du bouddhiste theravada. Les chrétiens sont très minoritaires (2,5 %, soit 160 000 personnes) et subissent des pressions de la part du Parti communiste au pouvoir. Selon l’association Portes ouvertes, ils peuvent aussi être victimes de harcèlement de la part de bouddhistes, surtout au niveau local. Les chrétiens, dont une moitié serait catholique et l’autre protestante, sont souvent perçus comme des « agents occidentaux » opposés au communisme. S’ils sont membres des ethnies Katin ou Hmong, la persécution risque de redoubler d’intensité. Certaines Églises sont reconnues par les autorités et ont le droit de se réunir. C’est le cas des catholiques, des adventistes et d’une Église évangélique. De nombreuses dénominations non reconnues, comme les méthodistes et d’autres Églises indépendantes, font souvent l’objet d’arrestations arbitraires.

Vietnam : Une histoire marquée par les persécutions

En 1988, Jean Paul II a canonisé 117 martyrs vietnamiens : l’histoire de l’Église catholique au Vietnam est marquée par les persécutions. Dans ce pays communiste, les pratiques religieuses minoritaires sont encore observées avec suspicion par les autorités. C’est particulièrement le cas du christianisme, perçu comme étranger et occidental. La constitution vietnamienne de 2013 garantit la liberté de religion, mais les Églises sont tenues de soumettre chaque année un programme d’activités détaillé aux comités populaires communaux. La loi stipule que la liberté de croyance ne peut être utilisée en opposition avec « la politique de l’État ». Un nouveau projet de loi présenté le 22 avril, prévoyant un cadre plus strict encore, a suscité de vives réactions parmi l’épiscopat vietnamien. Si les chrétiens des villes sont régulièrement inquiétés pour l’organisation d’activités non déclarées, ce sont surtout les chrétiens originaires des tribus montagnardes, notamment les Hmong, qui sont ciblés par la répression politique.

 

La Vie

F. Achouri

Sociologue.

Nos services s'adressent notamment aux organisations publiques et privées désireuses de mieux comprendre leur environnement.

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