Une étude d’un institut de recherche américain met en évidence des divisions profondes à l’intérieur de la société israélienne, principalement dues à l’appartenance religieuse ou à la manière de concevoir cette appartenance.
Publiée le 8 mars, une étude du Pew Research Center met en évidence « les fractures profondes » existant non seulement entre juifs et arabes mais aussi entre juifs sur les valeurs politiques et le rôle de la religion dans la vie publique.
Ainsi, les juifs laïcs en Israël seraient « plus mal à l’aise » avec l’idée que leur enfant pourrait un jour se marier à un juif (ou une juive) ultra-orthodoxe qu’avec la perspective qu’il épouse un(e) chrétien(ne)…
« Bien qu’ils vivent dans le même petit pays et partagent de nombreuses traditions, les juifs très religieux et les juifs laïques habitent des mondes sociaux en grande partie séparés, avec relativement peu d’amis proches et peu de mariages en dehors de leur groupe », décrit cet institut de recherche américain indépendant.
Polarisée par la religion
Menée au moyens d’entretiens en face-à-face en hébreu, arabe et russe avec 5 601 adultes israéliens âgés de plus de 18 ans, cette enquête a été réalisée entre octobre 2014 et mai 2015, « c’est-à-dire avant les élections et avant l’actuelle vague de violences », note le Patriarcat latin de Jérusalem, qui en résume les principaux enseignements sur son site Internet.
Elle a en effet été présentée au Consulat Général de France à Jérusalem jeudi 10 mars par Alan Cooperman, directeur de la recherche au Pew Research Center, qui a décrit une société « de plus en plus polarisée par la religion ».
Ces divisions religieuses se traduisent par « des positions radicalement divergentes sur de nombreuses questions de politique, y compris le mariage, le divorce, la conversion religieuse, la conscription militaire, la ségrégation entre les sexes et les transports en commun ».
Démocratie et loi religieuse
L’étude classe les juifs interrogés dans quatre catégories : haredi (« craignant Dieu », 8 % de la population juive), dati (« religieux », 10 %) – les haredi et les dati forment ensemble le judaïsme orthodoxe -, massorti (« traditionnel », un courant situé entre le judaïsme orthodoxe et le judaïsme libéral, représentant 23 % de la population juive) ou enfin hiloni (« laïque »). 40 % des personnes interrogées se classent comme « juifs laïques » et même 20 % déclarent ne pas croire en Dieu. Pour autant, quasiment aucun sondé ne se déclare comme « sans religion ».
Logiquement, haredi et dati sont d’avis que « le gouvernement israélien devrait promouvoir les croyances et les valeurs religieuses », alors que les juifs laïcs plaident fortement pour la séparation de la religion de la politique gouvernementale.
« Dans l’ensemble, les juifs israéliens considèrent la démocratie comme compatible avec l’État juif, mais sont divisés sur la question de savoir qui des principes démocratiques ou de la loi religieuse doit avoir la priorité en cas de conflit », décrivent les auteurs de l’étude.
Plus fondamentalement encore, les groupes sont en désaccord sur ce qu’est principalement l’identité juive : pour la plupart des haredi, « être juif » est d’abord une question de religion, alors que les laïcs insistent surtout sur « l’ascendance et / ou la culture ».
20 % des Israéliens ne sont pas juifs
A côté des juifs, une part croissante des Israéliens (actuellement environ un adulte sur cinq) appartient à d’autres groupes, note le Pew Research Center : la plupart sont ethniquement arabes et identifiés, religieusement, comme musulmans, chrétiens ou druze. Pour « une écrasante majorité d’entre eux », en cas de conflit entre la loi juive et la démocratie, cette dernière doit avoir la priorité.
Cela ne signifie pas que la plupart des arabes en Israël sont des laïcs engagés. En réalité, de nombreux musulmans et chrétiens soutiennent l’application de la loi religieuse à leurs propres communautés : 58 % des musulmans sont favorables à la charia comme loi pour les musulmans en Israël, et 55 % des chrétiens favorables à ce que la Bible serve de loi pour les chrétiens.
Tous les principaux groupes religieux d’Israël apparaissent extrêmement isolés socialement les uns par rapport aux autres : la quasi-totalité des juifs (98%), et la grande majorité des musulmans (85%), chrétiens (86%) et druzes (83%) reconnaissent que tous ou la plupart de leurs amis proches appartiennent à leur propre communauté religieuse…
« Expulsion »
Tout aussi interpellant est l’état de l’opinion publique juive sur la question de savoir si Israël peut servir une patrie pour les Juifs tout en accueillant la minorité arabe du pays. « Près de la moitié des juifs israéliens est favorable à ce que les arabes soient expulsés ou transférés d’Israël. Un adulte juif sur cinq est même fortement favorable », indique l’enquête.
La publication des résultats de l’étude le 8 mars « ont soulevé de vives réactions », indique le Patriarcat latin. « Le président israélien, Reuven Rivlin, a notamment invité les citoyens juifs à une profonde ’remise en question’ face à ces chiffres ».
La Croix