Aux États-Unis, Erdogan inaugure une mosquée

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a inauguré à Lanham (Maryland) la mosquée du centre islamique Diyanet, présenté comme le plus grand d’Amérique.

      Debout sous un majestueux dôme ottoman, brandissant des drapeaux turcs devant une mosquée flambant neuve, la foule mêlée de fidèles et de curieux savoure : habituée à faire profil bas, la communauté musulmane de l’est des États-Unis recevait samedi 2 avril les honneurs présidentiels.

Saluant la beauté du lieu, le président turc Recep Tayyip Erdogan a en effet inauguré la mosquée du centre islamique Diyanet, fraîchement sorti de terre et présenté comme le plus grand de l’Amérique.

L’homme fort d’Ankara, dont le pays a entièrement financé le projet pharaonique de quelque 110 millions de dollars, a justifié sa présence à Lanham, petite agglomération de quelque 10 000 âmes dans le Maryland, par le contexte politique américain autant que les amalgames croissants entre islam et terrorisme.

Période difficile

« Malheureusement, nous traversons une période difficile pour les musulmans, frappés par le terrorisme à travers le monde et souvent montrés du doigt après les attentats », a lancé le président Erdogan, citant les exemples récents de Bruxelles et Paris, mais aussi du 11 septembre 2001 à New York. « C’est pourquoi je pense que ce centre va jouer un rôle crucial » pour réconcilier l’Amérique avec son islam, a-t-il lancé sous les ovations de milliers de personnes, femmes et hommes, agglutinées derrières les barrières de sécurité sur l’esplanade de la mosquée.

L’édifice, le seul des États-Unis sur lequel se dressent deux minarets, a été bâti sur le modèle de l’âge d’or de l’architecture ottomane du XVIe siècle, avec son dôme central, et ses demi-coupoles, rappelant la mosquée Süleymaniye d’Istanbul.

Le « terrorisme n’a pas de religion », a repris Recep Tayyip Erdogan, déplorant que les musulmans doivent « payer le prix » de la défiance « pour une poignée de terroristes ».

Pourtant en froid avec le président américain Barack Obama – qui a décliné l’invitation de son homologue turc de venir couper le ruban du centre –, Recep Tayyip Erdogan s’est dit « d’accord » avec le président américain sur la « rhétorique incendiaire de certains candidats à la présidentielle aux États-Unis », qui créent un climat anti-musulman dans le pays.

Au contraire, a-t-il lancé, « la communauté musulmane américaine contribue au renforcement des États-Unis ».

Fierté

Les relations entre Ankara et Washington ont pris un sérieux coup de froid depuis que la Turquie a attaqué les alliés kurdes de Washington dans sa lutte contre les jihadistes de l’Etat islamique, et surtout depuis que la Turquie multiplie les atteintes à la liberté de la presse.

Vendredi soir, en conclusion du sommet sur la sûreté nucléaire à Washington auquel était convié Recep Tayyip Erdogan, le président américain a jugé « très inquiétante » la voie empruntée par l’allié turc, accusé de museler la presse d’opposition.

Le groupe de presse Zaman, récemment mis sous tutelle en Turquie, est réputé être lié au prédicateur Fetullah Gülen, ennemi numéro 1 du président Erdogan qui vit en exil depuis 1999 en Pennsylvanie – État voisin du Maryland –, niché dans les monts Poconos, sur les contreforts des Appalaches.

Collier de barbe et crâne rasé, Ahsen Dasti, venu écouter le président Erdogan, s’est dit convaincu par ses propos, confirmant que beaucoup de candidats à la Maison Blanche « lancent des propos qui sont des appels à la haine contre les musulmans ». Pour lui, le message envoyé par la présence du président turc était fort, mais l’essentiel se fera loin du tumulte politico-médiatique, dans ce centre islamique « qui va permettre de construire des ponts entre les cultures » et montrer le « vrai visage de l’islam ».

Petit Istanbul

Le centre qui s’étend sur plusieurs milliers de mètres carrés est le « lieu parfait » pour les musulmans de l’Est américain, estime Adnan Muhtasib, un Jordanien de 76 ans, louant la finesse architecturale de ce « petit Istanbul », et de sa mosquée avec ses arches byzantines et ses calligraphies incrustées de feuilles d’or.

« J’aurais aimé avoir la même chez moi dans l’Utah », abonde Ibrahim Chakhalidze, jeune homme de 23 ans qui a enroulé une écharpe « Turquie » autour de sa tête.

« C’est une très bonne idée pour la jeunesse musulmane », estime-t-il, évoquant les nombreuses activités qu’offre le centre, des terrains de basket à la bibliothèque, en passant par les bains turcs. « Et surtout, ça nous rend fiers ».

 

AFP

F. Achouri

Sociologue.

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