La session nationale des exorcistes s’est achevée le 25 janvier à Lyon. Confrontée à une forte demande, la totalité des diocèses de France dispose d’un prêtre exorciste, missionné par l’évêque.
À Orléans, celui-ci assume cette charge dans l’ombre de sa sacristie, accueillant en moyenne deux personnes en souffrance chaque jour.
Dans la sacristie d’une importante église d’Orléans, le père Jean (1) fixe le crucifix qui lui sert à exercer les rites de l’exorcisme. Missionné par l’évêque, Mgr Jacques Blaquart, il reçoit, en moyenne, deux personnes chaque jour l’appelant à l’aide.
En France mais plus largement en Europe, l’ensemble des communautés catholiques fait face à un redoublement des demandes d’exorcisme. « Bien que nous ne tenions pas de statistiques, il y a dans les diocèses une tendance réelle à une augmentation des prises de contact de personnes en souffrance, qui s’adressent à un prêtre exorciste », confirme le P. Emmanuel Coquet, secrétaire général adjoint de la conférence épiscopale.
« Un condensé des maux de notre société »
Le père Jean ne reçoit pas uniquement des personnes qui se croient possédées par le diable, loin s’en faut. Il voit passer devant lui « un condensé des maux de notre société – chômage, isolement, violence, comportements addictifs ».
Il observe notamment « les ravages » de l’accoutumance à la pornographie, en pleine explosion avec Internet, qui aliène les esprits. Mais, comme un médecin tenu au secret médical, il ne s’attardera pas sur les cas particuliers.
« La guérison ne doit pas devenir une pratique magique »
À ses côtés, dans la sacristie, se tient le père Gilles Rousselet, eudiste. Il est l’un des – trop rares – prêtres à orienter ses paroissiens en souffrance vers son collègue exorciste quand il le juge « utile ».
Venant « d’un milieu rationnel », il a lui-même été longtemps opposé à la pratique de l’exorcisme. Mais ses nombreux voyages en Afrique pour sa congrégation l’ont transformé : « Ce que j’ai vu m’a fait changer et m’a, en quelque sorte, obligé de croire aux forces du mal. » Actuellement en charge du pôle missionnaire Orléans sud-Sologne, il ne sait pas s’il deviendra lui-même un jour exorciste mais, depuis sa « conversion », il se forme et cherche des moyens « d’accueillir les demandes ».
L’appui d’une équipe de laïcs
Le père Jean, pour sa part, aimerait que les curés de paroisse s’engagent davantage, appelant « l’Église à réfléchir en profondeur à la réponse à donner à toutes ces formes de souffrance, en particulier celles qui conduisent aux rites de l’exorcisme ».
Pour sa mission, il bénéficie du « précieux » appui d’une équipe de laïcs, composée de médecins, psychiatres et de religieux, l’aidant dans cette entreprise de discernement : « Si j’arrive maintenant à distinguer le mal ordinaire, présent en chacun de nous, du mal plus profond, j’ai parfois besoin de la relecture d’un tiers pour me conforter dans mon diagnostic. »
La plupart des demandes se règlent sans le rite des prières de délivrance du diable :« L’essentiel de mon travail consiste à renvoyer ces personnes en souffrance vers d’autres paroissiens, vers des communautés chrétiennes vivantes pour qu’elles les épaulent et les sortent de l’isolement. »
Vivre sa foi participe, en soi, du processus de libération, estime-t-il. Tout comme le père Rousselet qui recommande une vie sacramentelle accomplie, la pratique régulière de l’eucharistie comme « sacrement de guérison », et un enracinement dans la vie paroissiale : « J’aime beaucoup la phrase que dit Jésus à Saint Paul : “Ma grâce te suffit”. C’est un magnifique exorcisme ! »
Voyants, mediums et marabouts
Les deux hommes regrettent que, dans ce mélange de détresse et de quête spirituelle, beaucoup se hasardent dans des pratiques ésotériques « dont ils n’arrivent pas à s’extraire ». Ils peuvent compter sur le soutien de Jean-Pierre Évelin, en charge de la communication du diocèse d’Orléans, qui milite pour faire connaître l’existence de ce service « gratuit et sérieux ».
Les exorcistes américains peuvent chasser le diable en anglais
Lui aussi déplore les pratiques du spiritisme, très répandues chez les adolescents, de la magie noire et de certaines médecines parallèles, la consultation des voyants, mediums, marabouts, mages, magnétiseurs, guérisseurs ou faux prêtres, très actifs sur la Toile, et qui « qui favorisent l’action du diable ».
Soucieuse de se démarquer de ces dérives, la Conférence des évêques de France a récemment créé une page sur Internet, présentant une approche didactique de l’exorcisme. Et, au printemps, le Bureau national des exorcistes (BNE) et le Service national de la pastorale liturgique et sacramentelle (SNPLS) ont publié un manuel (2) à l’usage des curés de paroisse afin d’offrir un réconfort spirituel aux personnes fragilisées dans leur vie.
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Une session de formation tous les deux ans
La France compte une centaine d’exorcistes – un par diocèse.
« Pour être exorciste, il faut être prêtre : l’exorcisme est une prérogative de l’évêque que ce dernier délègue à un prêtre de son diocèse pour un mandat dont la durée est à sa discrétion », explique le père Emmanuel Coquet, secrétaire général adjoint de la conférence épiscopale.
Un diplôme n’est pas nécessaire pour être exorciste : en revanche, les prêtres suivent une formation permanente, à raison d’une session nationale tous les deux ans. Cette année, elle s’est tenue à Lyon du 22 au 25 janvier, sur le thème : L’exorcisme dans le contexte
de la nouvelle évangélisation. Une autre session a lieu un an sur deux pour les nouveaux exorcistes.
Sur les 2 500 demandes adressées chaque année au Service de l’exorcisme d’Île-de-France, on compte une cinquantaine d’exorcismes annuels.
La Croix