Dans un rapport rendu public jeudi 13 juin, l’association Action droits de musulmans dénombre sept fermetures de mosquées depuis l’entrée en vigueur de la loi SILT.Elle regrette l’utilisation d’une procédure administrative et non judiciaire pour cela, et demande de « cesser de confondre islam et terrorisme ».
Une « punition collective ». C’est ainsi que l’association Action droits des musulmans (ADM) qualifie les fermetures de mosquées en France dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
L’ADM s’est créée dans le cadre de l’Etat d’urgence pour « aider les familles qui se trouvaient désemparées face aux mesures mises en place » (perquisitions administratives et assignations à résidence dans un premier temps, fermetures de mosquées ou d’écoles par la suite). Puis, « constatant que cet état d’exception se prolongeait », elle s’est appuyée sur plusieurs avocats – dont maître William Bourdon et Vincent Brengarth – pour « soutenir les victimes » en justice et « dénoncer les violations des droits et des libertés ».
« Détournement des outils antiterroristes »
C’est dans ce cadre que l’association, dirigée par Sihem Zine, a rendu public jeudi 13 juin un rapport intitulé « Punition collective » dans lequel elle dénombre sept fermetures de mosquées depuis l’entrée en vigueur en octobre 2017 de la loi renforçant la Sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT) et dénonce un « détournement des outils antiterroristes »
À ses yeux, le régime juridique instauré par la loi SILT, qui a succédé à l’État d’urgence, n’est rien d’autre qu’un « état d’urgence permanent ». De fait, relève le rapport, « aucune (de ces 7 mosquées) n’a fait l’objet d’une ouverture d’instruction judiciaire en lien avec du terrorisme ».
Le principal problème, aux yeux de l’ADM et de ses avocats, est le choix opéré par la loi SILT d’une simple procédure administrative, essentiellement fondée sur les « notes blanches » des renseignements, et non pas judiciaire. « En renonçant à la logique judiciaire, on renonce aussi à un débat préalable, contradictoire et public, » regrette maître William Bourdon.
« Racontars et commérages »
Les notes blanches ne regroupent que « racontars et commérages »pour Sihem Zine. « Elles constituent une preuve que l’on se fait à soi-même et recèlent donc un potentiel d’arbitraire extrême », ajoute l’avocat, qui y voit « les lettres de cachet modernes ».
Soucieux de ne pas verser dans « l’angélisme », l’avocat de nombreux djihadistes assure ne pas « sous-estimer la tâche des pouvoirs publics face à des mosquées instrumentalisées par des gens éventuellement dangereux ». « Que ceci soit un défi pour notre pays, il serait absurde de le nier », admet-il.
Mais selon ce fervent défenseur des libertés individuelles, la lutte contre l’islam radical ne peut être menée que « dans le respect des principes républicains ». Or ces fermetures de mosquées reposent à ses yeux sur « une banalisation inacceptable de l’état d’urgence ». Et elles sont en outre « contre-productives ». « Certes on fait disparaître ce qui pourrait servir de tribune à des acteurs de l’islam radical mais on prive aussi des milliers de fidèles qui sont leurs pires ennemis », assure-t-il.
Discrimination à l’égard des musulmans
Au-delà de la procédure choisie, l’ADM critique aussi la volonté des pouvoirs publics de « vouloir faire du chiffre » en fermant des mosquées ne présentant aucun danger. Les salafistes ne sont « ni des terroristes ni des “radicalisées”, mais seulement des personnes pratiquantes », insiste-t-elle. Interrogée sur les discours de haine qui y sont parfois tenus, Sihem Zine répond du tac-au-tac qu’« on va trouver la même chose dans le christianisme et le judaïsme ».
Relevant que les seuls lieux de culte fermés ont été des mosquées, le rapport n’hésite pas à affirmer que « ce traitement spécifique en raison de l’appartenance religieuse démontre la discrimination à l’égard des musulmans dans la lutte contre le terrorisme ».
Avocat de trois mosquées récemment fermées (Stains en Saine-Saint-Denis, Ecquevilly et Satrouville dans les Yvelines) William Bourdon assure quant à lui y avoir rencontré des imams « absolument formidables », coincés entre les injonctions des pouvoirs publics et celles des « salafistes purs et durs », et qui ne citent les versets potentiellement violents du Coran que « pour les contextualiser et empêcher leur instrumentalisation ».
Ironisant sur « la politique sans grande nuance ni amour de la complexité » de la place Beauvau, il l’appelle, dans une formule tout à fait inédite et pour le moins discutable, à distinguer « salafistes djihadistes » et « salafistes laïcs ».
La Croix