A Strasbourg, les prémices d’une formation pour les aumôniers hospitaliers musulmans

Le Conseil national de l’aumônerie musulmane hospitalière a commencé à organiser, en mars 2018, des séminaires de formation, à Strasbourg, pour ses membres, salariés ou bénévoles.Cette « École nationale des aumôniers musulmans hospitaliers » est en quête de moyens.

Fatiha est aide-soignante. Elle est aussi aumônier hospitalier musulman bénévole à l’hôpital de Strasbourg-Hautepierre. L’accompagnement des personnes en souffrance n’a pas de secret pour elle. Pourtant, il arrive souvent qu’elle bute sur des cas complexes, et qu’elle cherche, longuement, avec ses collègues aumôniers, la réponse à donner aux patients.

« J’ai été sollicitée récemment par une femme enceinte d’un bébé souffrant de malformations. Pouvait-elle accepter l’interruption thérapeutique de grossesse ? Je ne voulais pas lui donner mon avis personnel, mais être professionnelle. Nous avons fini par trouver, dans le Coran, le texte qui allait la soulager : elle ne voulait en aucun cas commettre un péché. Alors oui, nous avons besoin de formation. À l’hôpital, les gens se confient beaucoup ! »

« Lutter contre les discours radicaux fanatiques »

Fatiha fait partie de la trentaine d’aumôniers hospitaliers musulmans du Grand Est ayant commencé en mars 2018 un cursus à la toute nouvelle École nationale des aumôniers musulmans hospitaliers de France (Enah), émanation du Cnamh (Conseil national de l’aumônerie musulmane hospitalière). Elle ne dispose pas de local spécifique, mais est hébergée dans plusieurs salles de cours du centre culturel Iqraa, qui jouxte la mosquée dite de Lingolsheim, à Ostwald, à côté de Strasbourg.

Le président du Cnamh, l’imam Abdelhaq Nabaoui, est en effet également président d’Iqraa (et actuellement président du conseil régional du culte musulman d’Alsace). « Ces dernières années, l’aumônerie hospitalière musulmane a su, avec de nombreux chefs de service, personnels, et patients, trouver la bonne mélodie, pour apporter le réconfort. Nous devons aussi lutter contre les discours radicaux et fanatiques », affirme-t-il.

« L’enjeu est de se professionnaliser, d’harmoniser nos pratiques, de s’entraider, de faciliter la tâche des aumôniers, qui sont pour la plupart bénévoles (seuls 50 sur 350 en France sont défrayés), et de valoriser leurs missions », indique El Mostafa Allioui, responsable pédagogique, et aumônier au CHRU de Nancy. Cette école, dont l’idée a été lancée en 2017, et qui en est encore à ses balbutiements, est conçue comme un complément au diplôme universitaire de formation civile et civique désormais obligatoire pour les aumôniers militaires, hospitaliers et pénitentiaires rémunérés.

« Nous y approfondissons notamment la connaissance des acteurs de l’hôpital, l’éthique de la santé, et la connaissance de l’islam appliquée aux missions des aumôniers », explique El Mostafa Allioui. Y sont abordées des questions aussi variées que l’écoute, le don d’organe, ou la toilette rituelle.

« Même pour les personnes déjà très expérimentées, se réunir régulièrement en formation est capital pour échanger sur nos pratiques. J’ai besoin de me sentir épaulé, confie Mohamed Bayri, de Troyes. Je suis surtout sollicité au moment de la fin de vie, et il n’est pas si facile de garder de la distance pour être capable de réfléchir à la situation. D’autant que l’attente des familles est grande, et que la majorité n’a pas de pratique religieuse régulière, et délègue beaucoup sur nous. »

Une « formation diplômante » en 2019

Faute de moyens financiers, l’Enah ne propose pour le moment qu’une série de séminaires d’une durée de trois jours chacun. Elle n’envisage pas de cursus à temps complet, mais elle espère, après ses six premiers séminaires, élargir son offre, et proposer en 2019 une formation diplômante. Il lui faudra d’ici-là obtenir les autorisations de l’Education nationale, et réunir un budget de fonctionnement estimé à 200 000 €. Seule la Fondation de l’islam de France, reconnue d’utilité publique, et visant à soutenir des projets éducatifs, culturels et sociaux favorisant un islam républicain, a pour le moment alloué 20 000 € au projet.

« L’aumônerie hospitalière musulmane ne dispose pas du nécessaire pour vivre décemment, et j’ai bien l’intention de convaincre les différents ministères de son utilité », a annoncé, mercredi 4 juillet, Jean-Pierre Chevènement, le président de la Fondation de l’islam de France, lors de l’inauguration de l’Enah. À terme, l’objectif est de créer une antenne de l’Enah par grande région administrative, afin de favoriser son accessibilité.

 

La Croix

F. Achouri

Sociologue.

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