Algérie : la profession de foi de Mohamed Aïssa

Droit dans ses bottes, le nouveau ministre des Affaires religieuses est déterminé à ressusciter l’islam des Lumières. Mohammed Aïssa s'occupe de toutes les religions et pas uniquement de l'islam.

Trois mois après son entrée, en mai 2014, dans le gouvernement d’Abdelmalek Sellal, Mohamed Aïssa, 51 ans, avait fait le tour des médias, publics comme privés. Un bon communicant ? Plutôt un briseur de tabous. Le 1er juillet dernier, une semaine avant le début de l’agression israélienne contre Gaza, il martèle son intention de rouvrir les lieux de culte chrétiens et juifs fermés durant les années 1990 pour raisons de sécurité.

Tollé chez les salafistes, qui appellent à manifester contre cette décision. Peine perdue. Droit dans ses bottes, le ministre ne fera pas machine arrière : « Je suis chargé des Affaires religieuses et non des Affaires islamiques. » Manière de rappeler que les lois de la République garantissent la liberté de conscience à tous les Algériens – musulmans, chrétiens ou juifs -, et à tous les étrangers (autour de 250 000 personnes).

Né à Rouiba le 8 septembre 1963, Mohamed Aïssa a entamé sa formation universitaire en 1982 par un Diplôme d’études spécialisées (DES) en mathématiques pour finir, seize ans plus tard, docteur d’État en… sciences islamiques. « Je ne saurais vous expliquer comment cela a pu se produire, mais après avoir décroché ma licence en maths, j’ai ressenti le besoin de réorienter ma quête de savoir. » Passer du théorème au verset ne lui a posé aucun problème, car « l’islam, in fine, est la religion qui accorde le plus de place à la rationalité ».

Plus universitaire que théologien, Mohamed Aïssa veut sortir de la naphtaline l’islam ancestral – plus proche de Cordoue que des hauts plateaux où nomadisent des tribus bédouines réputées pour leur conservatisme et leur imperméabilité à l’universel – pour faire face à l’inquiétante avancée de l’islam d’inspiration wahhabite.

Son ambition ? Remplacer l’imam septuagénaire manipulant avec précaution un vieux manuscrit par un jeune trentenaire, docteur en sciences théologiques, maniant sans peine la tablette électronique et débattant avec ses pairs par visioconférence. « Je n’y arriverai sans doute pas avant la fin du quinquennat, reconnaît-il, mais je ferai tout pour créer les conditions d’une telle mutation. » Bon courage !

Jeune Afrique

Fatima Achouri

Sociologue spécialiste de l’islam contemporain.

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