Allemagne : Pegida mobilise, contre-manifestations dans tout le pays

Le ministre de la justice ne voulait pas d’eux dans la rue ? Ils n’en sont descendus que plus nombreux. Aux cris de « Nous sommes le peuple », plus de 25 000 personnes selon la police (de 30 000 à 40 000 manifestants selon les organisateurs) ont défilé lundi 12 janvier dans les rues de Dresde, en Allemagne, à l’appel du mouvement Pegida. En réaction, des contre-manifestations ont eu lieu dans plusieurs villes du pays, rassemblant près de 100 000 personnes.

 

Les partisans de la tolérance et de l’ouverture, soutenus vigoureusement par la chancelière Angela Merkel pour qui l’« islam fait partie de l’Allemagne », étaient environ 30 000 à Leipzig, ville de l’est du pays située à quelques centaines de kilomètres du berceau de Pegida, 20 000 à Munich (sud), 17 000 à Hanovre.

A Dresde, pour la douzième « Montagsdemo » (« manifestation du lundi ») du mouvement des Patriotes européens contre l’islamisation de l’Allemagne (Pegida), l’équipe organisatrice – le mouvement n’ayant pas de dirigeants aux postes définis – avait appelé ses fidèles à rendre hommage « aux victimes des attentats de Charlie Hebdo » en arborant un brassard noir. Attentats qui, selon leur page Facebook « confirment que l’islamisme n’est pas compatible avec la démocratie ».

 

QUELQUES « JE SUIS CHARLIE » ET DES DRAPEAUX FRANÇAIS

Après avoir réuni 500 personnes lors d’un premier défilé en octobre, Pegida avait pris de l’ampleur pour rassembler un record de 18 000 personnes lundi dernier, record largement battu ce lundi dans la fraîcheur de la capitale saxonne.

Si peu des « pégidistes » portaient un brassard, quelques « Je suis Charlie » et des drapeaux français se distinguaient dans la nuit dresdoise. « C’est ma première manifestation avec Pegida, explique Peter Glowka, la cinquantaine, qui arbore un de ces panneaux, mais je voulais montrer ma solidarité avec les victimes de Paris. »

Après une minute de silence, et que le porte-parole du mouvement, Lutz Bachmann a évoqué à la tribune la mémoire des victimes de tous les extrémismes religieux – incluant celles d’Anders Breivik et des frères Kouachi – le cortège se met en marche sous le regard des forces de police présentes en nombre dans la ville.

Si les pégidistes assument leur patriotisme, ils réfutent les accusations de racisme. Et dans le cortège, si l’on croise quelques personnes tenant des propos xénophobes, la majeure partie des manifestants tient un discours relativement modéré. Et n’accepte pas de bon cœur les cris « Nazis, dehors », lancés par les opposants au mouvement Pegida, postés à chaque coin de rue. Mais malgré un fin cordon de policier séparant pro et anti-Pegida, y compris lorsqu’une centaine de ces derniers improvise un « sitting » dans la rue pour dévier le cours de la manifestation, aucun incident n’émaille le parcours des 25 000 personnes clamant « être le peuple ». Les organisateurs y ont veillé, enjoignant leurs supporteurs pouvant avoir le sang chaud de « laisser parler ces idiots ».

« NOUS REVIENDRONS »

Après la chancelière, Angela Merkel, qui avait appelé les Allemands à ne pas suivre Pegida lors de ses vœux au pays, le ministre de la justice, Heiko Maas, s’est fermement prononcé dimanche contre l’hommage « honteux » aux personnes tuées à Paris. Dans une interview au journal Bild, le ministre appelait à l’annulation des manifestations prévues le lundi dans toute l’Allemagne par « décence ».

Si dans l’ensemble du pays, les contre-manifestations ont plus mobilisé que Pegida lundi soir, ce n’est pas le cas à Dresde, où les opposants au mouvement étaient près de 8 000. Se félicitant de la belle mobilisation, la première après les attentats contre Charlie Hebdo, Lutz Bachmann a conclu, repris en cœur par la foule : « nous reviendrons ».

 

Le Monde

Fatima Achouri

Sociologue spécialiste de l’islam contemporain.

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