L’appel du pape François à prier et à jeûner pour que les armes se taisent en Syrie a rencontré un écho considérable en France, où de nombreuses paroisses se sont mobilisées samedi 7 septembre dans la soirée.
« Lorsque je me suis mise à prier en arabe, j’ai ressenti dans l’assemblée toute l’épaisseur d’une souffrance montant vers Dieu », témoigne Sœur Lucie, religieuse syrienne installée en France depuis quinze ans. Au lendemain de la grande journée de prière pour la paix initiée par le pape François, son émotion est encore palpable. Cette sœur du Bon pasteur participait, samedi 7 septembre, en fin de journée, à une cérémonie de bénédiction d’icônes venues d’Alep, en présence du cardinal Philippe Barbarin, dans l’église Saint-Thomas de Vaulx-en-Velin (Rhône).
« J’ai demandé au Seigneur de donner à ma prière la couleur de l’espérance, même si mon cœur est en colère », confie Sœur Lucie, qui raconte avoir rencontré plusieurs Syriens, musulmans ou chrétiens, venus en amis répondre à l’invitation du pape argentin. « Malgré la peur qui nous envahit, nous voulons croire que le Christ aura le dernier mot », développe Sœur Lucie, bouleversée par la présence de ces icônes ayant voyagé « sous les bombes de Syrie » pour être des « instruments de louange en France ».
Peu après leur bénédiction, une dizaine de membres du conseil régional du culte musulman Rhône-Alpes se sont joints à l’assemblée, dont son président Abedelkader Laïd Bendidi, Azzedine Gaci, recteur de la mosquée Othmane de Villeurbanne, et Fawzi Hamdi, recteur de la mosquée Okba à Vaulx-en-Velin, venus entourer le cardinal Barbarin, le P. Régis Charre, curé de Vaulx-en-Velin, et le P. Muhannad Al-Tawil, curé de la paroisse chaldéenne. « Nous avons prié côte à côte dans une salle paroissiale », rapporte Natalia Trouiller, responsable de la communication du diocèse de Lyon, qui a constaté la présence de plusieurs Syriennes aux idées parfois divergentes, mais unies dans une même démarche de foi.
Un imam a prêché à partir de la lettre du pape
À Nanterre (Hauts-de-Seine), c’est dès mercredi que le P. Vincent Scheffels à rendu visite à l’un des imams de son quartier, pour lui remettre la lettre du pape François : « Il l’avait déjà reçu et m’a confié qu’il comptait l’utiliser pour prêcher lors de la prière du vendredi ! » explique le P. Scheffels, ayant lui-même improvisé une veillée avec les paroissiens de Notre-Dame de la Miséricorde, à l’issue de la messe de 18 h 30. « Je suis frappé par le nombre de Français en relation avec des Syriens », relève-t-il, citant l’exemple de ce professeur d’université, paroissien de Nanterre, venu confier l’un de ses étudiants, qui doit rendre sa thèse dans quinze jours, avant de regagner la Syrie…
Venue de Rome, où 100 000 fidèles étaient massés place Saint-Pierre, cette vague de prière a déferlé sur la France, portée par de très nombreuses initiatives dans les paroisses. « Malgré ce délai très court, nous avons relayé l’appel du pape grâce aux réseaux sociaux. La mobilisation nous a surpris : 300 personnes de tous âges se sont jointes à la veillée à l’issue de la messe du samedi soir », raconte le P. Michel Tournade, curé de Sainte-Bernadette, sur les bords du lac d’Annecy (Haute-Savoie). Seul un paroissien lui a confié ses réserves, estimant que l’Église n’avait pas à s’immiscer dans les affaires politiques. La majorité des fidèles ont tenu à exprimer leur solidarité avec le peuple syrien, se relayant au micro pendant près d’une heure pour partager leurs intentions de prière.
À Valenciennes (Nord), l’église Saint-Géry a accueilli samedi une assistance comparable en marge du Saint-Cordon, pèlerinage organisé chaque année en mémoire d’un miracle accompli par la Vierge au Moyen Âge. Après une soirée théâtrale, de nombreux jeunes catholiques se sont réunis autour de l’archevêque de Cambrai, Mgr François Garnier, qui a évoqué le souvenir de ses deux années passées à Alep, comme enseignant, dans les années 1960.
Claire-Emmanuelle, 18 ans, peu convaincue par une intervention armée
« J’ai trouvé poignant, en tant que chrétienne originaire d’un pays en paix, de m’associer aux chrétiens de Syrie qui trouvent le courage de rester malgré les difficultés », confie Claire-Emmanuelle, 18 ans. Le conflit syrien, cette étudiante en première année de Sciences politiques s’efforce d’en comprendre les ressorts sans jamais prendre parti, consciente des risques de désinformation. « Aujourd’hui, c’est mon cœur de jeune qui parle. Comme beaucoup, je suis touchée par ces images insoutenables, ces villes détruites. Je me demande comment les jeunes syriens peuvent continuer à vivre. »
Quant aux représailles envisagées par la France et les États-Unis pour punir Damas, Claire-Emmanuelle doute de leur efficacité et se dit plus convaincue par une solution diplomatique, comme plus de deux Français sur trois (68 %) selon un sondage Ifop pour Le Figaro publié samedi (1) : « La violence ne résout rien, estime-t-elle en reprenant les mots du pape François. Ces frappes risquent de fragiliser davantage la population, sans forcément affaiblir le régime… Je garde confiance en notre gouvernement, en l’ONU. Mais peut-être devraient-ils écouter plus attentivement la voix du pape. »
Source : La Croix