Chaque dimanche, des émissions religieuses sur France 2

Le 24 juillet, la ministre Aurélie Filippetti présente un nouveau projet de loi de l’audiovisuel. Catholiques, musulmans, protestants, juifs, orthodoxes, chrétiens orientaux et bouddhistes ont tous leur place sur la chaîne du service public. Mais ont-ils pour autant, toutes les libertés pour prêcher et communiquer sur leur foi ?

C’est un « Chemin de la foi » qui s’est tracé au fil des années sur France 2, chaque dimanche matin, sur la case 8h30 – 12h. Un sentier à étapes qui va du bouddhisme au catholicisme, en passant par le judaïsme, l’islam, le protestantisme, l’orthodoxie et les chrétientés orientales. Cette matinée religieuse fait le bonheur des téléspectateurs qui ne peuvent pas se rendre à l’office et provoque le mécontentement d’autres, qui n’acceptent pas de payer une redevance pour voir des religions sur la chaîne la plus importante du service public.

« Dans mon commentaire, j’essaie de rendre l’office pédagogique en expliquant les gestes importants. Et d’apporter un regard à la fois cultuel et culturel » confie Thomas Wallut, producteur de Chrétiens orientaux. Un parti pris judicieux car l’émission représente plus d’une quinzaine de cultes pour une présence à l’antenne de seulement trente minutes par mois. Même souci de pédagogie dans l’émission Présence protestante qui intègre toute la diversité des Eglises. « On essaie que le prédicateur ne soit pas codé, qu’il soit accessible et qu’il ne se lance pas trop dans une expertise biblique, indique Séverine Boudier, productrice de l’émission. De toute façon, on ne prêche plus de la même manière qu’il y a cinquante ans ». Le Jour du Seigneur, l’émission la plus ancienne de la télévision française, a su s’adapter en soixante-cinq ans d’antenne. Aujourd’hui, une équipe d’une quinzaine de prédicateurs réguliers assure l’homélie, passage de cinq minutes ininterrompues particulièrement difficile à gérer en télévision. Les prédicateurs doivent maîtriser parfaitement le temps du direct, le ton et l’éloquence.

Toutes les émissions religieuses sont produites en quasi-intégralité par France Télévisions. Mais disposent-elles d’une pleine liberté éditoriale ? « Nous avons « carte blanche » sur le contenu de nos émissions, indique Liliane Lefait, productrice de Sagesses bouddhistes. France Télévisions ne se mêle pas de la ligne éditoriale et ne nous impose aucune directive ». Une pleine liberté avec néanmoins un visionnage de la chaîne avant diffusion pour toutes les émissions. « J’ai dû avoir un ou deux accrochages parce qu’on voyait des protestants très convaincus, mais sinon la liberté éditoriale est totale » ajoute Séverine Boudier.

Derrière la ligne éditoriale des émissions, c’est la question du public visé qui est en jeu et de l’audience qui en découle. « En diversifiant notre programme (grand entretien, magazine sur la Bible, documentaire ou culte en direct) nous avons renoncé à la fidélisation du public. On se contente d’avoir un seul élément dans l’émission, qui change complètement d’une semaine à l’autre » analyse Séverine Boudier. « Notre émission s’adresse à tous les publics, tant aux pratiquants qu’aux sympathisants bouddhistes qui sont très nombreux en France. Mais également aux curieux dans le bon sens du terme » indique Liliane Lefait, productrice de Sagesses Bouddhistes, la dernière émission arrivée en 1997 et la seule à progresser en audience. « Avant tout, les émissions religieuses s’adressent au public qui ne peut pas se rendre à l’office. Et on peut regretter que l’outil Médiamétrie sous-estime complètement les audiences de nos émissions. Tout simplement parce qu’il ne prend pas en compte, dans son panel, les communautés des hôpitaux, maisons de retraite ou des prisons » selon Thomas Wallut.

La présence des programmes religieux est une mission du service public, garantie par la loi dite « Léotard » de 1986. Pour autant, certains députés contestent leur présence à chaque réforme de l’audiovisuel. « Le regroupement des émissions religieuses sur une seule chaîne crée un effet de « tunnel » » et ne se justifie pas » déclarait le député Vert et ancien journaliste Noël Mamère, lors d’un débat à l’Assemblée nationale en mars 2000. Quelques années plus tard, en 2011, c’était au tour de la député PS, Sandrine Mazetier d’interpeller l’Assemblée : « Pourquoi France 2 doit-elle éternellement retransmettre ces programmes ? ». Une question qui se pose régulièrement depuis que l’article 56 n’indique plus « La société France 2 programme le dimanche matin des émissions à caractère religieux consacrées aux principaux cultes pratiqués en France » mais désormais « La société France Télévisions ». Une nuance qui, à terme, pourrait amener au transfert des émissions religieuses sur une autre chaîne, moins exposée/visible, du groupe. « On reste vigilants sur le prochain projet de loi de l’audiovisuel » assure Thomas Wallut. Ce 24 juillet, Aurélie Filippetti présente une réforme du projet de loi de l’audiovisuel. Selon son conseiller en charge de l’audiovisuel, il n’y aurait ni projet de loi, ni amendement prévu pour un changement de chaîne des émissions religieuses. Cependant, la décision peut être aussi prise par la direction de France Télévisions qui peut modifier l’article 17 de son cahier des charges. Selon un cadre du groupe, « il n’y a pas de modification prévue aujourd’hui. Mais cela peut arriver sans prévenir ! ».

 

 

Source : Le Monde des Religions

 

 

Fatima Achouri

Sociologue spécialiste de l’islam contemporain.

Nos services s'adressent aux organisations publiques ( Loi de 1905) et aux organisations privées.

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