Dax : refoulée du camping car elle portait un foulard

Pour Nama Mohamed, l’établissement dacquois qui lui a demandé d’enlever son voile doit être condamné. Après une relaxe en mars, le procès en appel aura lieu en mai.

 

 

 Dax : refoulée du camping car elle portait un foulard      «En vingt-cinq ans de camping-car, je n’ai jamais vu ça ! se désole Nama Mohamed, Française de confession musulmane. Vouloir m’obliger à enlever mon foulard alors que la loi m’autorise à le garder ! » Quinze mois après les faits, cette habitante de Dunkerque est toujours affectée par « l’affront » qu’elle dit avoir subi, à l’entrée d’un camping de Dax, en novembre 2013. « Depuis 1991, on sillonne la France et toute l’Europe. Tout se passe toujours très bien. Il n’y a jamais eu aucun problème », renchérit son mari Abdellatif.

Ce 2 novembre 2013, au volant de leur camping-car, le couple se présente au camping L’Orée du bois, pour y installer ses pénates, le temps de la cure de monsieur. L’emplacement a été réservé en bonne et due forme, via le versement d’arrhes. Abdellatif descend du véhicule et se présente à la réception, tandis que Nama reste dans la cabine de conduite.

« Humiliés »

« Mon mari est revenu en me disant : “Il y a un souci. La gérante dit que tu peux rentrer mais que tu dois retirer ton foulard dans les parties communes du camping”, se souvient la camping-cariste de bientôt 70 ans. Que le couple ait réservé, qu’il précise que ce camping leur a été recommandé, qu’il souligne qu’il n’y a jamais eu de problème avec le foulard, rien n’y fait. À L’Orée du bois, le séjour semble se faire sans foulard ou ne se fait pas.

« Refoulés et humiliés, nous avons repris nos arrhes et nous sommes partis », explique Abdellatif Mohamed. « Le pire, c’est que la gérante ne m’a jamais adressé la parole. Elle n’a parlé qu’à mon mari. C’est comme si je n’existais pas. Le couple de camping-caristes qui nous accompagnait avait mal au cœur pour moi », assure Nama Mohamed.

Pas de fontaine chaude ou d’arènes pour ses premières heures passées à Dax. La touriste file au commissariat : « J’avais mal. Pas question de laisser passer ça. Je voulais porter plainte. » Puis à l’hôpital : « J’avais 22 de tension. » Avant de repartir chez elle, à Grande-Synthe, près de Dunkerque, dans le Nord.

Le procureur de la République propose une médiation pénale. Ce mode de règlement amiable est censé rappeler à l’ordre l’auteur des faits et réparer le préjudice de la victime, vite, bien et de manière équilibrée. « Ma cliente n’en a pas voulu : elle souhaitait quelque chose de plus élevé au niveau pénal », précise Me Nicolas Lacomme.

Le parquet fait appel

Suite à l’échec de la médiation pénale, le parquet de Dax propose une composition pénale. Toujours un mode de règlement amiable qui permet d’éviter un procès à l’auteur de l’infraction. Cette fois, c’est « la partie adverse qui refuse », explique l’avocat de Nama Mohamed.

Valérie Dussin, la gérante du camping L’Orée du bois, comparaît donc devant le tribunal correctionnel de Dax, pour avoir refusé la fourniture d’un bien ou d’un service sur la base de l’appartenance à une religion. Bref, pour répondre de discrimination. Valérie Dussin est relaxée par le tribunal. « Le juge a estimé que le refus n’était pas caractérisé. Si mes clients avaient insisté, si le ton était monté, il y aurait eu refus », explique Me Nicolas Lacomme, « surpris » par la décision du tribunal.

Le parquet lui-même interjette appel. L’affaire devait être jugée une seconde fois devant la cour d’appel de Pau, jeudi dernier. Elle le sera finalement le 21 mai. « Heureusement qu’il y a eu appel. Un camping n’est pas un sanctuaire, comme une école. Si chacun commence à édicter ses propres règles pour vendre un bien ou un service, selon les orientations sexuelles ou religieuses, où va-t-on ? Ça s’appelle faire du tri », appuie Gérard Kerforn, président de la Fédération des Landes du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap).

Du côté de la prévenue, on tombe des nues. L’affaire en elle-même, la tournure qu’elle a prise… Tout ça dépasse Valérie Dussin : « Je ne comprends pas pourquoi je me retrouve devant le tribunal. Je n’ai rien dit d’agressif. Je n’ai rien à me reprocher. Cette dame avait le visage caché. On ne voyait que les yeux et la bouche. »

L’affaire Truchelut en 2008

Lorsque Nama Mohamed entend la déclaration de Valérie Dussin sur les ondes de France Bleu Gascogne, vendredi, son cœur prend un nouveau coup. « Où est-elle allée chercher ça ? C’est grotesque ! Je ne suis pas Belphégor ! Je ne suis pas là pour provoquer mais pour défendre la loi », souligne la camping-cariste dunkerquoise musulmane.

« Rien que le nez et la bouche ? Ce sont ces dernières déclarations qui nous incitent à rendre publique l’affaire. On ne peut pas laisser passer ça, confirme Gérard Kerforn, du Mrap. Je suis confiant. C’est le même cas que dans l’affaire Fanny Truchelut, condamnée, en appel, en octobre 2008, à deux mois de prison avec sursis et 4 000 euros d’amende pour avoir refusé l’accès de son gîte, dans les Vosges, à une femme portant le foulard. »

 

Sud Ouest

F. Achouri

Sociologue.

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