Ce jeudi 27 mai, les premiers spectateurs chiliens ont pu voir El Club, lauréat de l’Ours d’Argent à la Berlinale en février dernier. Quatre prêtres reclus dans une maison de villégiature face à la mer, dans le sud du Chili, placés sous la direction d’une concierge. Chacun d’eux a quelque chose à expier. Arrive un cinquième homme, qui révèle les péchés enfouis par les autres.
Impunité
Comment se sont-ils retrouvés isolés dans cette maison, à huis clos ? El Club révèle tout le système d’impunité mis en place par l’Église catholique pour étouffer les délits commis par certains prêtres, à commencer par les abus sexuels, mais aussi le vol et le trafic d’enfants. « L’Église les sauve, en les enfermant à l’étranger ou au Chili, de façon qu’ils n’affrontent pas la justice, » explique Alfredo Castro, l’acteur qui incarne le père Vidal dans El Club.
Indignation
« Cette pratique existe depuis de nombreuses années : avant que les scandales ne soient médiatisés, l’Église place ces hommes qu’elle considère comme dangereux dans des maisons un peu partout dans le monde, » reprend le réalisateur Pablo Larrain. Il explique son indignation : « Voici quelques années, j’ai vu la photo d’un prêtre chilien accusé d’abus sexuels sur mineurs. Mais avant que la justice ne le juge, l’Église l’a envoyé dans une maison en Allemagne, une très jolie maison dans les alpages, sortie tout droit d’une publicité pour du lait ou des chocolats. J’étais très en colère, indigné, de voir cet homme fuir ainsi la justice et vivre tranquillement dans un cadre idyllique ».
Scandales et polémiques
Les scandales de pédophilie ont largement éclaboussé le Chili ces dernières années, et des procès sont encore en cours. A ce jour, 17 prêtres ont été condamnés. En mars dernier, la nomination de l’évêque Barros, à Osorno, dans le sud du Chili avait créé une polémique : les victimes d’abus sexuels du prêtre Karadima par exemple l’accusent de complicité et d’avoir toujours été au courant des abus perpétrés.
Épingler les non-dits de la société
Réalisateur de Santiago 73 Post Mortem et de No… Pablo Larrain, une nouvelle fois, traite des non-dits de la société chilienne, de l’hypocrisie des structures sociales et des figures d’autorités caduques. « Toute forme d’art a une fonction sociale et politique, insiste l’acteur Alfredo Castro. Inviter à débattre, exercer une pression, mettre le doigt sur des difficultés (…) Et le sujet des abus sexuels sur mineurs de certains prêtres a touché aussi la France, l’Espagne, les États-Unis, l’Allemagne… bref tous les pays du monde. Le nombre de prêtres pédophiles et d’enfants violés est énorme. Et je crois que c’est pour cette raison que le film a reçu cet accueil du jury à la Berlinale. Et évidemment la mission de l’art est… politique. Toujours, et toujours. »
Dichotomie de l’Église
Pablo Larrain aborde aussi la dichotomie entre la tendance traditionnelle au sein de l’Église catholique et les partisans du renouveau, tournés vers la rue, incarnés par le pape François. « Un aspect intéressant dans le film, explique Pablo Larrain, c’est la représentation du pape François, et de l’idée d’une nouvelle église, d’une église plus ouverte, davantage connectée au peuple, comme le souhaite le pape. Cette nouvelle Église s’affronte à l’ancienne dans mon film. Et deux conceptions de l’église cohabitent : l’une souhaite que tout reste secret, l’autre veut se connecter avec les fidèles, aller dans la rue et expliquer qui sont ces prêtres et ce qui leur arrive. Cette friction, présente dans le film, nous montre la victoire de l’ancienne église sur la nouvelle. »
Sorti ce 27 mai dans toutes les salles du Chili, El Club arrivera en novembre dans les salles françaises.
TV5 Monde