En novembre 2014, le gouvernement israélien a adopté un projet de loi visant à simplifier la procédure de conversion au judaïsme.
Aujourd’hui, ces nouvelles mesures ne sont pas encore appliquées sur le terrain et le courant ultra-orthodoxe garde le monopole des conversions.
Parmi les 8 millions d’Israéliens, un peu plus de 6 millions ont une mère juive et sont donc juifs conformément à la loi religieuse dite Halakha. À ceux-là s’ajoutent 350 000 personnes qui, bien que leur mère ne soit pas juive, ont pu immigrer en Israël en vertu de la loi du retour : leur conjoint, leur père ou l’un de leurs grands-parents est juif. La plupart sont originaires de l’ex-URSS ou d’Éthiopie, et certains aspirent désormais à vivre selon la tradition religieuse en Israël.
Seulement voilà, quand vient pour eux – ou leurs descendants – le moment de se marier (religieusement, car le mariage civil n’existe pas en Israël), cela se révèle impossible : selon les autorités religieuses, ils ne sont pas juifs. Si les uns choisissent de se marier à l’étranger, les autres entreprennent de se convertir.
Nombreux obstacles
Mais cette volonté se heurte à de nombreux obstacles. Jusqu’à présent, 33 rabbins ultra-orthodoxes réputés extrêmement stricts avaient le monopole des conversions en Israël. Découragés par la sévérité du processus et la longueur de la période d’étude, de nombreux candidats ne parvenaient jamais à l’examen final. Résultat, « seulement » 5 000 personnes se convertissent chaque année, estime le démographe italo-israélien Sergio DellaPergola. Selon lui, ils sont bien plus nombreux à entreprendre les démarches sans aller jusqu’au bout.
Depuis le 2 novembre 2014, les choses étaient censées changer. Initiative phare du parti centriste de Tzipi Livni, Hatnuah, la décentralisation du processus de conversion a été officialisée par une loi approuvée à la quasi-unanimité par le gouvernement : désormais, de simples rabbins municipaux pourront également diriger une cour régissant les conversions. Ces dernières pourraient, de ce fait, être plus nombreuses qu’avant.
Mais le grand rabbinat d’Israël, ultra-orthodoxe, est farouchement opposé à une réforme qui affaiblit quelque peu son pouvoir. Craignant même que ce texte n’entraîne la « destruction du peuple juif », il le considère comme invalide. Sans avoir pour autant été présenté de nouveau devant le gouvernement, celui-ci n’est tout simplement pas appliqué. C’est ce que dénonce l’organisation israélienne Itim, qui guide les profanes dans la complexe bureaucratie religieuse juive. « À l’heure actuelle, ce sont toujours les mêmes 33 rabbins qui ont le droit de convertir, assure Seth Farber, le fondateur de cette association. Tous ceux qui se sont portés candidats pour établir un tribunal de conversion n’ont pas obtenu de réponse des autorités religieuses. »
C’est toujours au grand rabbinat qu’il revient de délivrer le certificat final
Pour ce rabbin, la loi de novembre ne va de toute façon pas assez loin, car elle conserve le monopole des ultra-orthodoxes sur les conversions : c’est toujours au grand rabbinat qu’il revient de délivrer le certificat final. « Pourquoi faudrait-il demander au futur converti de s’engager à observer des règles de vie si strictes, alors qu’elles ne concernent qu’une branche spécifique du judaïsme et à peine 15 % des Israéliens ? »
D’autres mouvances juives proposent toutefois des procédures moins lourdes. Le judaïsme réformé, par exemple, convertirait 300 personnes par an en Israël. Pour quelqu’un de parfaitement étranger à la religion juive, le processus dure un an, tandis qu’il prend seulement trois mois pour une personne qui la pratiquerait déjà (de père juif, par exemple). « Beaucoup de gens viennent nous voir après avoir renoncé au processus classique de conversion, assure Noa Sattah, membre du mouvement Itim. Ils refusent de mentir au jury en lui promettant de respecter des règles de vie orthodoxes tout en sachant qu’ils ne le feront pas. »
« Être un converti est une tare en Israël »
Reconnues par l’État d’Israël, les conversions de ce type ne le sont pas par le grand rabbinat, même après l’adoption de la loi de novembre. Et cela concerne également les conversions réalisées par ces mouvances juives progressistes à l’étranger, dans le pays d’origine du migrant.
Judith (1), 36 ans, est dans ce cas de figure. À 13 ans, elle s’est convertie au judaïsme en Suisse, avant d’immigrer en Israël où elle vit aujourd’hui avec son époux et ses enfants. « Être un converti est une tare en Israël, assure cette juive religieuse qui cuisine pourtant casher et dissimule ses cheveux sous une perruque. Quoi que je fasse, je serai toujours considérée comme une juive de seconde classe, à l’image d’un enfant de divorcé, d’un pauvre ou d’un séfarade. »
La Croix
(1) Le prénom a été modifié