En Sardaigne, le pape veut soigner la blessure du chômage

L’Église doit être « comme un hôpital de campagne après la bataille », terlle est l’image qu’a choisie le pape François dans son long entretien aux revues jésuites rendu public le 19 septembre. En visite ce dimanche 22 septembre en Sardaigne, il a illustré ce propos, apportant un message de réconfort et d’encouragement aux chômeurs, aux malades et personnes handicapées et aux jeunes en quête d’avenir.

Un message chaleureusement accueilli sur cette île italienne longtemps restée à l’écart du développement, maintes fois monnayée entre puissances européennes au cours de l’Histoire et qui est actuellement durement frappée par la crise économique. Le chômage y touche 18 % de la population active.

Après son déplacement le 8 juillet sur la petite île de Lampedusa à la rencontre des migrants, il s’agissait du deuxième voyage pastoral en Italie du nouveau pape. Un déplacement également insulaire, comme il l’a relevé, et aux « périphéries géographique et existentielle » du pays, selon l’expression chère à celui qui se définit depuis son élection le 13 mars comme venant lui-même « du bout du monde ».

 

Proximité avec les chômeurs

Pour signifier « sa proximité » avec les Sardes, venus par centaines de milliers, en familles, le voir, l’écouter et l’applaudir à Cagliari, chef-lieu de l’île, le pape François a rappelé, dès sa rencontre matinale avec le monde du travail, l’épreuve du chômage que sa propre famille émigrée en Argentine y a endurée durant la crise des années 1930.

Comme lors de ses autres déplacements, il a d’abord commencé par écouter attentivement, tour à tour, des témoignages. Ici ceux d’un chômeur, d’une responsable de coopérative et d’un jeune berger. Dans la foule, une banderole d’anciens employés d’Alcoa rappelait la fermeture décidée depuis janvier 2012 de l’usine d’aluminium sur l’île, par ce géant mondial du secteur.

 

« Une idole qui s’appelle l’argent »

Sur une estrade montée en centre-ville de Cagliari, dos au port et face à une foule de travailleurs, le pape a tenu à ce que son message de « courage » ne « soit pas qu’une belle parole de passage ». Voulant se situer à l’origine de « cette tragédie » du chômage, il a improvisé un discours, le tout premier de sa journée, sur l’implication de tous afin que le système économique n’ait plus « l’argent comme idole » mais remette l’homme et la femme en son centre.

Le pape s’en est pris à l’injustice du système économique mondial, avec la même force que dans son intervention à Lampedusa. Cette injustice est la « conséquence d’un choix mondial, d’un système économique qui a en son centre une idole qui s’appelle l’argent ».

 

« Soyons astucieux »

Sans citer l’évangile du jour sur l’argent trompeur, le pape jésuite a aussi invité à savoir se montrer astucieux face à la crise économique. Lui-même dans son entretien de la semaine dernière s’est défini comme rusé.

Dénonçant la « culture du rebut », comme à maintes reprises durant son voyage à Rio fin juillet dernier, il a ainsi appelé à « affronter avec solidarité et intelligence ce défi historique ». « Solidarité entre vous – et aussi entre nous », a ajouté le pape, qui dans son homélie plus tard a insisté sur l’implication de l’Église dans la lutte contre le chômage. Pour lui, « la collaboration loyale de toutes les parties » implique aussi les responsables de l’Église.

 

« Ici il manque de travail »

« Seigneur, à toi, il ne manque pas de travail, tu as fait le charpentier, vous étiez heureux. Seigneur, ici il manque de travail », a prié en conclusion le pape, après avoir souligné l’exigence pour l’homme d’avoir un travail pour sa propre dignité.

Des propos qui reprennent ceux qu’il partageait comme archevêque de Buenos Aires dans son livre-entretien publié en 2010 en Argentine (Je crois en l’homme, Éd. Flammarion) : « Le travail, en dernière instance, est ce qui donne sa dignité à la personne (..) La dignité en tant que telle ne peut venir que du travail ». Ce thème sera au cœur des prochaines Semaines sociales en France en novembre.

Saluant au terme de cette rencontre employés, ouvriers, commerçants et entrepreneurs, le pape n’a pas hésité à porter un instant, sous les applaudissements, un casque de mineur que lui a tendu un ouvrier invité à lui parler. Une façon d’incarner la proximité revendiquée avec les personnes au chômage. De surcroît, les mines sont une activité très ancienne de la Sardaigne, dans lesquelles étaient déportés les chrétiens sous l’empire romain.

 

Regard de compassion

Au-delà des questions liées au travail, le voyage du pape François en Sardaigne aura été aussi l’occasion pour lui d’exprimer tendresse et compassion auprès des personnes malades et handicapées, qu’il a embrassées une à une dans le sanctuaire marial de Bonaria, dont la capitale argentine, Buenos Aires, porte le nom. Un temps chaleureux d’échanges de paroles, de sourires et d’objets à bénir.

Le regard compassionnel de Marie, le pape a souhaité que les fidèles l’aient entre eux, les invitant, comme il aime le faire lors de ses audiences générales du mercredi place saint-Pierre, à répéter après lui la phrase : « Marie, donne-nous ton regard ». Ce désir de regarder avec les yeux pleins de miséricorde est aussi exprimé dans Lumen Fidei, la première encyclique du pape François publié le 5 juillet dernier.

À la fin de la messe dominicale, le pape, qui s’est à plusieurs reprises exprimé en sarde, a confié à Notre-Dame de Bonaria, patronne de l’île, toute la population. Après un déjeuner avec des évêques, il devait encore dans l’après-midi rencontré des personnes en situation de précarité, des responsables du monde de la culture et les jeunes, avant de regagner Rome dans la soirée.

 

Source : La Croix

Fatima Achouri

Sociologue spécialiste de l’islam contemporain.

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