Israël, le parcours du combattant des anciens haredim

En 2059, la moitié de la population israélienne sera ultraorthodoxe. Communauté en plein boom démographique, la part de ceux qui veulent en sortir est aussi en augmentation. Une décision encore souvent très mal accueillie par leurs proches.

« J’ai 23 ans, j’ai quitté les haredim en avril 2017. Quand je me suis marié, à 20 ans, j’ai quitté le foyer familial pour la première fois. À partir de là, j’ai commencé à prendre de la distance et à comprendre qu’il existait un monde différent de celui dans lequel j’avais vécu jusque-là. Un monde dans lequel on est libre de prendre ses propres décisions. »

Jean bleu et tee-shirt à manches courtes, Chanan ressemble à n’importe quel jeune homme de son âge. Pourtant, il y a quelques mois encore, il ne sortait jamais sans sa chemise blanche, son chapeau et son costume noirs, la tenue classique des hommes haredim, les juifs ultraorthodoxes.

« Ma femme a divorcé au bout d’un an et demi. Je suis retourné chez mes parents mais rien n’était plus comme avant, je voulais partir. Quand ils s’en sont rendu compte, ce sont eux qui m’ont demandé de partir. » Comme la plupart des autres haredim qui quittent leur communauté, depuis son départ, Chanan a perdu tout contact avec sa famille, ou presque. Seules ses sœurs acceptent encore de le rencontrer.

Être ex-haredim, une perte de repères

En octobre 2017, une vidéo du rabbin Gershon Edelstein, important responsable de la communauté ultraorthodoxe, avait fait parler d’elle. Il y incitait les familles à ne pas rejeter leurs enfants si ces derniers exprimaient le désir de quitter les haredim, allant jusqu’à demander aux parents de faire preuve de compassion.

Si certains y ont vu une réelle avancée, Bette Harpeer reste très critique. Elle est l’une des fondatrices et la responsable du bureau à Jérusalem de l’association Hillel, créée en 1991, qui aide les ex-haredim dans toutes les étapes de leur nouvelle vie, aussi bien pour quitter leur ancien style vestimentaire que pour toutes sortes de démarches administratives, telles que l’inscription au service militaire.

Les haredim en sont effectivement exemptés pour pouvoir se consacrer à l’étude de la Torah, et ceux qui souhaitent rejoindre les bancs de Tsahal y bénéficient souvent d’un accueil particulier.

« Les haredim sont une communauté très spécifique. Ceux qui décident de la quitter ont besoin d’une aide précise, que nous savons leur apporter », affirme Bette Harpeer, elle-même fille d’un ex-haredim. Son expérience au quotidien ne témoigne d’aucune évolution de la communauté envers ces anciens membres.

« La rupture nette avec la famille reste la norme. Une des premières choses à laquelle les ex-haredim font face, c’est la solitude. Ils perdent tous leurs repères. »Depuis la création de l’association, près de 14 000 personnes ont déjà été accueillies.

Rien qu’à Jérusalem, chaque année, ils sont plusieurs centaines à frapper à la porte de Hillel. À l’entrée, une simple pancarte annonce la couleur : « Hillel, le droit de choisir », autrement dit le droit de quitter cette communauté s’ils le désirent.

La réinsertion dans la société civile

Pour Bette Harpeer, la décision de quitter les haredim est souvent liée à une perte de la foi, ainsi qu’à un sentiment d’étouffement. Élevés dans une société où toutes les décisions qui les concernent sont prises par une tierce personne, les ex-haredim considèrent leur départ comme un pas vers la liberté et l’autonomie personnelle.

Selon une récente étude du Taub Center for Social Policy Studies, à 13 ans, près de 20 % des élèves ayant effectué leur primaire dans une école religieuse quitteraient cet enseignement.

À Jérusalem, la communauté haredim est omniprésente, et aider ceux qui souhaitent la quitter n’est pas toujours facile. Régulièrement, des responsables religieux accusent Hillel de « voler » ses ouailles en les convainquant de partir. « Pour éviter les problèmes, on demande à ceux qui viennent nous voir de formuler clairement leur désir de partir, à l’écrit ou à l’oral. »

L’aide de Hillel dure plusieurs semaines, voire plusieurs mois. En plus d’une assistance technique pour certaines démarches administratives, l’association enseigne des choses élémentaires, comme apprendre à se comporter en société.

Chanan, qui explique avoir aujourd’hui « autant d’amis anciens haredim » que « d’amis de la société civile », se souvient bien de ses premiers instants d’ex-haredim. « Le simple fait de s’adresser à une femme en public était compliqué. Hillel nous aide à construire des repères. »

Toujours selon l’étude du Taub Center for Social Policy Studies, en 2059 les haredim représenteront 50 % de la population israélienne quand, à l’inverse, le reste de la société deviendra moins religieux. À terme, le fossé risque donc de se creuser, rendant peut-être encore un peu plus difficile le départ des ex-haredim.

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Le Patriarcat latin condamne la loi sur « l’État-nation »

« Excluante », « politique » et « discriminatoire » : le Patriarcat latin de Jérusalem n’a pas mâché ses mots contre la nouvelle Loi fondamentale approuvée par le Parlement israélien le 19 juillet, qui définit Israël comme État-nation du peuple juif.

Dans un communiqué publié lundi 30 juillet, le Patriarcat a fermement condamné une loi qui exclut « de manière flagrante » les Palestiniens citoyens d’Israël (20 % de la population), leur signifiant qu’ils « ne sont pas chez eux dans ce pays ».

Pour le Patriarcat, ce texte contrevient à la résolution 181 de l’Assemblée générale des Nations unies, mais aussi à la déclaration d’indépendance d’Israël, dans laquelle les pères fondateurs s’engageaient à garantir à tous les citoyens une égalité de droits.

Les chrétiens d’Israël, conclut le communiqué, « appellent tous les citoyens de l’État d’Israël qui croient encore au concept fondamental d’égalité (…) à faire entendre leur opposition à ce texte et à avertir des dangers qui en émanent pour l’avenir de ce pays ».

 

La Croix

F. Achouri

Sociologue.

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