Juifs et musulmans dénoncent une résolution du Conseil de l’Europe sur la circoncision
Une majorité s’est constituée à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe pour assimiler la circoncision à une atteinte au droit des enfants. En France, la jurisprudence admet cette pratique pour des motifs religieux ou culturels.
Israël a condamné, le vendredi 4 octobre, une résolution du Conseil de l’Europe définissant la circoncision des garçons pour motifs religieux, pratiquée dans le judaïsme et l’islam, comme une « violation de l’intégrité physique » et appelé le Conseil à revenir immédiatement sur cette résolution. « Toute comparaison de cette tradition avec la pratique barbare et condamnable de la mutilation génitale féminine relève au mieux d’une ignorance profonde et au pire de la diffamation et de la haine antireligieuse », a estimé le ministère israélien des affaires étrangères, rappelant que la circoncision est une tradition ancienne dans le judaïsme.
Joël Mergui, président du consistoire de France, a pour sa part déjà déclaré à plusieurs reprises que « si la circoncision venait à être interdite, cela signifierait la fin d’une présence religieuse juive en Europe ».
Le président de l’Observatoire national contre l’islamophobie, Abdallah Zekri, a de son côté dénoncé le samedi 5 octobre la « décision scandaleuse prise par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) concernant la circoncision en la considérant comme mutilante pour les garçons et en la comparant à l’excision des petites filles ».
En réponse à ces critiques, Marlene Rupprecht (sociale-démocrate allemande), qui a présenté le texte, a affirmé dans un communiqué que celle-ci ne cherchait « à stigmatiser aucune communauté religieuse ou ses pratiques ». « Au contraire, ajoute-t-elle, l’Assemblée appelle au débat public, y compris à un dialogue interculturel et interreligieux, pour dégager un consensus le plus large possible sur le droit des enfants à la protection contre les violations de leur intégrité physique. La mission du Conseil de l’Europe est de promouvoir le respect des droits humains, y compris les droits des enfants, sur un pied d’égalité avec la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie »
Une résolution qui assimile circoncision et excision
La résolution, adoptée le mardi 1er octobre à une large majorité (78 voix pour, 13 contre et 15 abstentions) présente « la circoncision de jeunes garçons pour des motifs religieux » comme une « violation de l’intégrité physique des enfants » au même titre que « les mutilations génitales féminines » – autrement dit l’excision –, les interventions médicales à un âge précoce sur les enfants intersexués – c’est-à-dire les enfants dont on ne connaît pas le sexe avec certitude à la naissance –, les piercings, les tatouages, les opérations de chirurgie plastique pratiqués sur des enfants parfois sous la contrainte.
La résolution précise que « les tenants de ces pratiques [les] présentent souvent comme un bienfait pour les enfants, en dépit d’éléments présentant manifestement la preuve du contraire. »
Elle recommande aux États « de sensibiliser davantage leurs populations aux risques potentiels que peuvent présenter certaines des pratiques susmentionnées pour la santé physique et mentale des enfants » et les invite « à définir clairement les conditions médicales, sanitaires et autres à respecter s’agissant de pratiques telles que la circoncision médicalement non justifiée des jeunes garçons ».
Elle leur demande également « d’adopter des dispositions juridiques spécifiques pour que certaines interventions et pratiques ne soient pas réalisées avant qu’un enfant soit en âge d’être consulté » et recommande en outre que le « droit des enfants à l’intégrité physique » figure expressément dans les normes pertinentes du Conseil de l’Europe.
La pratique de la circoncision admise en France, encadrée en Allemagne et en Suède
Les résolutions adoptées par le Conseil de l’Europe ne sont pas contraignantes pour les pays membres. Seuls les parlements nationaux pourraient donc interdire la circoncision. Elles sont néanmoins généralement considérées comme des recommandations.
En France, la pratique de la circoncision est admise pour des motifs religieux ou culturels. Elle a déjà donné lieu à une jurisprudence importante. Mais son fondement reste uniquement coutumier : le Conseil d’État, dans son rapport annuel de 2004 consacré à la laïcité, la qualifie de « pratique religieuse dépourvue de tout fondement légal mais néanmoins “admise” ».
L’article du code civil français qui prévoit qu’« il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l’intérêt thérapeutique d’autrui » n’a été utilisé que pour condamner les auteurs d’excisions sur des petites filles et jamais dans le cas de la circoncision rituelle.
Le 12 décembre 2102, le parlement allemand a adopté une loi donnant un cadre légal à la circoncision rituelle outre-Rhin. Ce texte impose de « respecter les règles de la médecine », de « traiter efficacement la douleur » et d’informer les parents des risques associés à l’opération, et l’interdit si elle met la vie de l’enfant en danger. Cette loi a mis fin à des controverses provoquées par une décision d’un tribunal de Cologne datée 26 juin 2012 qui assimilait la circoncision à des « coups et blessures aggravés ».
La Suède a également adopté en 2001 une loi autorisant la circoncision. Elle impose un âge maximal de deux mois, l’intervention d’un professionnel de la santé ou d’un religieux spécialement agréé, le consentement des parents et une information complète pour eux « sur ce que l’intervention implique ». Le Défenseur des enfants, Fredrik Malmberg, dans une tribune cosignée avec des professionnels de la santé dans le premier quotidien suédois, Dagens Nyheter, a cependant appelé le samedi 28 septembre son pays à interdire la circoncision, qu’il estime contraire aux droits fondamentaux des garçons.
Source : La Croix