A Méru, dans l’Oise, une école est au centre d’une polémique. Parce qu’elle porte le voile, Mme A. a été écartée de la préparation d’un goûter de Noël organisé dans l’établissement où sont scolarisés ses enfants. Elle nous livre son témoignage, qui fait écho au sort vécu par les mères voilées victimes de la circulaire Luc Chatel interdisant l’accompagnement des enfants lors des sorties scolaires.
Entre-temps, elle apprend qu’une mère voilée dont les enfants sont scolarisés dans une autre école de Méru s’est vue refuser la participation à une sortie scolaire. Mme A., qui porte également le hijab, demande alors à la déléguée qui l’a invitée de se renseigner pour savoir si elle pouvait prendre part à ce goûter. Les délégués de parents d’élèves répondent ne voir aucun problème à ce qu’elle y participe.
Mais lorsqu’une déléguée prend l’initiative d’aller voir la directrice, Mme A. n’obtient pas de réponse claire de sa part. Elle décide alors d’aller voir directement la chef d’établissement, accompagnée de quelques délégués de classe. La réponse de la directrice est sans appel lors de cette réunion, qui se tient le 21 novembre : elle lui aurait invoqué « le règlement intérieur » – vraisemblablement la charte de la laïcité – et « des ordres hiérarchiques de l’inspection académique » pour lui refuser sa participation.
Goûter avec les parents annulé
Soutenue par le Comité 15 mars, elle essaye d’entrer en contact avec l’inspectrice de l’Education nationale de Méru, sans y parvenir jusque là. Mais Emmanuel Roy, le directeur académique des services de l’Éducation nationale de l’Oise, mis au courant de son histoire et de celle de la mère voilée interdite de sortie scolaire, tranche. Dans un courrier daté du 4 décembre et remis aux directeurs d’établissements de la commune de 13 000 habitants, il fait savoir que rien n’interdit le port du voile d’une maman dans l’enceinte des écoles.
Un courrier à double tranchant
La directrice de l’école où sont scolarisés les enfants reçoit ce courrier lors d’une réunion consacrée à la réforme des rythmes scolaires de 2014 en présence du maire, raconte Mme A. Mais « la directrice à qui le rappel de l’Inspecteur a confirmé le droit de la maman à prendre part au goûter a pris la décision d’annuler ce goûter collectif et le remplacer par des goûters dans les classes sans les parents, contournant ainsi le problème et excluant de facto la maman voilée », indique le Comité 15 mars et Libertés dans un communiqué.
« Avant d’être des mamans voilées, nous sommes des mamans »
D’après lui, le parent qui accompagne une sortie scolaire devient, « le temps de la mission », un « collaborateur occasionnel » du service public. « C’est donc à juste titre que la laïcité est respectée pendant les activités scolaires que sont les sorties scolaires et que les parents y intervenant ne peuvent arborer le port de signes ostentatoires », écrit M. Roy, qui n’a pu être joint par Saphirnews jusqu’à présent.
Les écoles de Méru sont sommées de « veiller à l’application de cette règle de fonctionnement ». « Plusieurs directeurs d’écoles de cette ville se retrouvent dans l’embarras face à une lettre de l’inspecteur, et surtout face à une conception de la laïcité qui fait son chemin au sein de l’Éducation nationale, et qui fait fi de la liberté des parents, et les exclut d’une manière discriminante des activités scolaires », constate le Comité 15 mars.
Mme A. espère décrocher rapidement un rendez-vous avec l’inspectrice de l’Éducation nationale de Méru. « Qu’on arrête d’interpréter cette circulaire (Chatel) qui n’est qu’une circulaire, une note interne et qui n’est pas une loi », lance-t-elle pour souhaiter la fin des discriminations à l’encontre des femmes musulmanes. « Avant d’être des mamans voilées, nous sommes juste des mamans », clame-t-elle.
En Seine-Saint-Denis, le 13 novembre, des mères voilées organisées en collectif avaient réussi à convaincre le directeur académique de Bobigny de mettre fin à cette discrimination. Les initiatives groupées peuvent permettre à ces mères d’être enfin considérées comme des parents d’élèves à part entière.