L’Allemagne, la locomotive de l’Europe, a un train d’avance sur la France à bien des égards, et en se dotant officiellement de son premier établissement bancaire islamique, elle a carrément pris de vitesse son plus proche allié, le laissant à la traîne, alors même qu’il compte en son sein la plus importante communauté musulmane du Vieux Continent.
Mais le pays des Lumières, recroquevillé dans sa frilosité, n’est pas à un paradoxe près, et c’est à se demander s’il se décidera un jour à prendre le train en marche, après que Londres, la place forte incontestée de la finance islamique en Occident, l’ait largement distancé, et que le poids lourd européen vienne de lui damer le pion…
Toujours est-il que de l’autre côté du Rhin, loin de nos méandres hexagonaux et de nos fleuves pas si tranquilles, la finance islamique a réussi à tracer son sillon, ainsi que s’en est fait l’écho le journal Handelsblatten annonçant l’octroi d’une licence bancaire complète par le régulateur bancaire allemand BaFin à l’institution turque, Kuveyt Turk Bank AG.
L’événement est à marquer d’une pierre blanche pour Kemal Ozan, l’heureux directeur général de Kuveyt Turk, la plus grande institution bancaire de Turquie, et pour les quatre millions et demi de musulmans allemands qui sont autant de clients potentiels désireux de recourir à la finance conforme aux préceptes coraniques, cette alternative éthique au capitalisme effréné dont nombreux sont ceux qui attendaient son éclosion en Allemagne.
« Notre étude de marché a montré que plus de 21% des musulmans du pays, serait prêt à domicilier leurs comptes dans une banque islamique », a déclaré Kemal Ozan, en se projetant confiant dans un proche avenir, alors même que la première succursale du groupe devrait ouvrir ses portes avant l’été 2015, favorisant un premier maillage du territoire à travers la création d’agences à Francfort, Cologne et Berlin. Voyant loin et grand, ce décideur et homme de défis s’autorise à rêver d’une extension à l’échelle européenne, la première banque islamique d’Allemagne pouvant essaimer hors des frontières et même, qui sait, abolir les plus idéologiques d’entre elles, ainsi que les peurs irrationnelles…
Une ambition clairement affichée qui pourrait fort bien se réaliser si l’on en juge par l’intérêt accru des clients non-musulmans pour les produits bancaires conformes à l’éthique islamique, comme l’atteste l’Islamic Bank of Britain qui estime que 55% des demandes d’ouverture de comptes épargne émanaient de non-musulmans en 2014.
De quoi en déduire que les adeptes non-musulmans de la finance islamique, en recrudescence, auront eu raison avant nos politiciens et autres Cassandre qui, eux, mus par de sombres desseins ou la bêtise abyssale, crient haro sur la finance « sharia-compatible »…
Oumma.com