Le bouddhisme, pas toujours non violent

Dans une tribune publiée dans le Huffington Post, Jack Healey, fondateur de l’organisation des droits de l’homme Human Rights Action Center, insiste sur la façon dont le bouddhisme est actuellement utilisé pour justifier des actes de violence contre des populations non-bouddhistes. En Occident, constate-t-il «l’opinion populaire est que les bouddhistes ne feraient jamais des choses telles que les cauchemars provoqués par l’utilisation abusive des doctrines des autres religions». Pourtant, comme en témoigne le sort actuel des musulmans de Birmanie ou des Tamouls au Sri Lanka, des populations sont victimes de violence au nom d’une politique de protection du bouddhisme. Celle-ci est défendue par des moines eux-mêmes, qui, par exemple, participèrent également à des attaques d’églises. Même si, comme en témoigne de nombreux textes, l’idéal de paix et de compassion reste au cœur du bouddhisme, il existe d’autres sources qui voient la violence comme légitime quand le Dharma bouddhique est menacé par des infidèles.

Une violence religieuse ou ethnique ?

Bernard Faure, professeur à l’Université de Stanford et auteur de Bouddhisme et violence (Le Cavalier Bleu) explique ainsi que dans le Kalachakra-tantra, support d’enseignement d’une branche du bouddhisme datant du 11e siècle et auquel se réfère souvent le dalaï-lama, les infidèles ne sont autres que les musulmans qui sont vus comme une menace pour l’existence du royaume mythique de Shambhala. L’auteur explique ainsi que la vision non-violente du bouddhisme ne tient pas assez compte de son histoire et de son caractère hétérogène, en fonction de contextes politiques spécifiques. Ainsi, la dualité entre bouddhistes et non-bouddhistes (hindous, musulmans, chrétiens, etc.) vient s’ajouter à une dualité première qui est identitaire. La différence est donc ethnique avant d’être religieuse, dans la mesure où le conflit se cristallise autour d’un territoire, d’un pouvoir refusé aux autres.

La justification théologique

Si l’origine de la violence est principalement sociopolitique ou ethnique, comme c’est actuellement le cas au Sri Lanka, celle-ci trouve des moyens de se justifier sur un plan théologique. Le refus de la violence repose normalement sur la théorie du karma, selon laquelle la vie actuelle est la conséquence des actes accomplis dans cette vie ou dans les précédentes. Dès lors, un acte violent a une influence négative sur le karma. Or, même si ça n’est pas le cas dans les débuts du bouddhisme, on considérera par la suite que des actes de piété peuvent permettre de se prémunir des effets négatifs de la violence commise, surtout si l’intention était bonne. Sur le plan strictement religieux, c’est donc la possibilité d’atténuer les effets négatifs du karma qui permettra de légitimer le recours à la violence.

 

Source : Zaman France

 

Fatima Achouri

Sociologue spécialiste de l’islam contemporain.

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