Au nom de « la neutralité du service public », le juge administratif a estimé qu’une crèche de Noël ne pouvait pas être installée dans le hall d’accueil du conseil général.
Dans le hall d’accueil du conseil général de Vendée, la place occupée tous les ans au mois de décembre par une crèche de Noël restera vide cette année. Le tribunal administratif de La Roche-sur-Yon vient en effet d’annuler « la décision implicite du président du conseil général refusant d’exercer ses pouvoirs pour interdire » cette installation. Pour le juge administratif, la crèche de la Nativité est un « emblème religieux » incompatible avec le principe de « neutralité du service public ».
Le conseil général va faire appel
Un recours avait été introduit dès 2012 par la Fédération locale de la Libre Pensée. Dans l’attente du jugement, le conseil général avait prolongé cette coutume. Contraint désormais d’y renoncer, il ne compte toutefois pas en rester là et a bien l’intention de faire appel de la décision.
« Le respect de la laïcité n’est pas l’abandon de toutes nos traditions et la coupure avec nos racines culturelles. Faudrait-il interdire les étoiles dans les guirlandes de Noël qui décorent nos rues en ce moment sous prétexte qu’il s’agit d’un symbole religieux indigne d’un espace public ? », a réagi dans un communiqué le conseil général présidé par Bruno Retailleau, président du groupe UMP au Sénat.
La frontière floue entre le culturel et le cultuel
Sur le fond, les chances d’un tel recours ne sont pas évidentes. En 2008, le tribunal administratif d’Amiens avait déjà annulé la délibération du conseil municipal de Montiers, dans l’Oise, prévoyant d’aménager une crèche de Noël sur la place du village. Le juge rappelait l’article 28 de la loi de 1905 selon lequel « il est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires ainsi que des musées ou expositions ».
L’affaire des crèches pose en réalité l’éternel problème de la frontière entre le culturel et le cultuel. Dans ces deux décisions, « le juge semble faire prévaloir la dimension religieuse mais on peut tout aussi bien souligner la tradition populaire de la crèche, estime le juriste Pierre-Henri Prelot. Que dire quand le président de la République tire les Rois à l’Élysée ? »
Souplesse et imagination
Les juges s’en tiennent à une interprétation stricte de la neutralité alors que, en juillet 2001, le conseil d’État avait fait preuve de souplesse sur le sujet des financements publics. Dans une série de décisions importantes, il précisait que les collectivités locales peuvent aider des cultes, par exemple en finançant la rénovation d’un orgue, à condition qu’il y ait dans l’opération un intérêt public d’ordre culturel ou touristique.
Pour l’heure, il reste aux élus vendéens à faire preuve d’imagination. En 2008, la municipalité de Montiers avait déménagé la crèche à l’abri d’un mur du cimetière mitoyen de l’église…
La Croix