Antisémitisme à l’extrême droite, antisionisme à l’extrême gauche : le président du Crif, Roger Cukierman, a appelé mardi soir François Hollande, présent lors du dîner annuel du Conseil représentatif des institutions juives de France, à mobiliser la France contre ces deux « fléaux » en en faisant « une cause nationale ».
« Il faut attaquer très tôt la propagation de la haine », a estimé Roger Cukierman. « On ne naît pas antisémite, on le devient, par bêtise, par ignorance, ou par préjugé. »
« Faites-en une cause nationale ! »
« Faites-en une cause nationale ! » a-t-il imploré François Hollande, en appelant à un rassemblement, le 19 mars à Paris, pour commémorer les assassinats perpétrés il y a deux ans à Toulouse par Mohamed Merah contre six personnes, dont trois enfants juifs.
S’exprimant devant le chef de l’État et 800 personnalités, Cukierman a tenu un discours sombre, témoignant de son inquiétude à l’égard de l’atmosphère d’intolérance régnant dans le pays.
Parmi les invités au Pavillon d’Armenonville à Paris – qui comptait ministres, sénateurs, députés, ambassadeurs, maires du Grand Paris, responsables religieux -, le président du Crif a accueilli Michel Atangana, français d’origine camerounaise récemment libéré après 18 ans d’internement au Cameroun.
« J’aurais aimé évoquer le dicton « Heureux comme un juif en France » »
« J’aurais aimé évoquer le dicton Heureux comme un juif en France« , a déclaré M. Cukierman (…). « Je dois malheureusement recourir à l’humour juif, souvent grinçant. Qu’est-ce qu’un antisémite ? C’est quelqu’un qui déteste les Juifs plus que nécessaire. »
« La bête immonde est, hélas, bien présente, aujourd’hui, en France », a déploré le président du Crif, que la chute du nombre d’actes antisémites, en baisse de 31 % en 2013 selon le Service de protection de la communauté juive (SPCJ), n’a guère rassuré.
« Je pense avec tristesse, avec inquiétude, avec angoisse, aux ignobles slogans lancés par quelques milliers d’individus parmi les manifestants du dimanche 26 janvier à Paris. Ils hurlaient : Juifs dehors, la France n’est pas à toi ! »
Pour M. Cukierman, qui a rappelé son passé d’enfant caché et celui de sa famille, « gazée et brûlée par Hitler et ses complices », « à Paris, dans le métro, porter une kippa, c’est prendre le risque d’être agressé ».
Il a évoqué la progression spectaculaire du Front national avec « sa cohorte d’antisémites, de vichystes et de négationnistes réfugiés derrière sa dirigeante, attentive à ne pas commettre d’impair ».
Mais il a également dénoncé, à l’extrême gauche, « l’antisionisme, nouvel habit de l’antisémitisme. Car s’il n’est pas convenable d’être antisémite, il est élégant de fustiger l’État d’Israël ».
À cet égard, le président du Crif s’est étonné que les appels au boycottage en France ciblent un seul des 200 pays de l’ONU. « Je peux vous citer 50 pays dont les frontières sont contestées par leurs voisins, en Afrique, au Moyen-Orient ou sur l’immense continent asiatique. »
« Concernant Israël, a-t-il poursuivi, des positions extrémistes sont parfois attribuées au Crif. À tort (…). Nous avons pour objectif que l’État d’Israël vive en paix aux côtés d’un État de Palestine. Nous souhaitons qu’Israël, où 20 % de la population pratique la langue française, soit enfin admis dans l’Organisation de la francophonie financée par le contribuable français. »
Roger Cukierman a également « suggéré que la France se démarque du reste du monde et reconnaisse Jérusalem comme la capitale d’Israël ».