Le retour d’un diplomate à la tête de la Curie romaine participe de la volonté du pape François d’utiliser davantage l’outil diplomatique du Saint-Siège.
Le pape veut que l’Église s’implique directement dans de grands dossiers internationaux.
« En tant qu’Église, nous avons entre nos mains la possibilité de participer à la vie internationale par la voie diplomatique. » Dans un entretien au quotidien vénézuélien El Universal , le 8 septembre – surtout remarqué pour ses propos sur le célibat des prêtres –, celui qui devient mardi 15 octobre le nouveau premier collaborateur du pape François, Mgr Pietro Parolin, vantait le précieux outil dont dispose le Saint-Siège à travers son propre réseau diplomatique. Un réseau au sein duquel l’ancien nonce apostolique (équivalent d’un ambassadeur) a accompli une partie de sa carrière depuis sa sortie en 1986 de l’Académie ecclésiastique pontificale, « l’école des nonces ». Au fil des divers postes qu’il a occupés à Rome, les affaires internationales ont d’ailleurs toujours été au cœur de ses missions.
Ce devrait être encore le cas dans son rôle de secrétaire d’État. Cette fonction, selon la réforme de la Curie envisagée par les huit cardinaux conseillant le pape, devrait se concentrer davantage sur les affaires extérieures, objet de la « section pour les relations avec les États » actuellement dirigée par l’archevêque français Mgr Dominique Mamberti à la Secrétairerie d’État.
« Ce pape veut être là où il y a un problème »
Pour le pape François, qui ne cesse de promouvoir une Église sortant d’elle-même vers les périphéries, se faisant proche en engageant une « culture du dialogue » et sachant « soigner les blessures », l’Église doit s’impliquer directement dans les grands problèmes internationaux. Sa visite soudaine sur l’île de Lampedusa le 8 juillet – son tout premier déplacement – a illustré cette volonté d’affronter de face la question migratoire.
Depuis, le pape a manifesté une attention soutenue pour les tragédies meurtrières en Méditerranée et, avant cela, a défini le trafic des êtres humains comme une lutte prioritaire, confiant notamment à l’Académie pontificale des sciences sociales le soin de monter un séminaire de travail sur le sujet, prévu début novembre.
« Ce pape veut être là où il y a un problème, avec une approche radicale. L’attitude du Vatican était jusqu’alors plus en retrait », observe une source diplomatique européenne à Rome : « Lorsqu’il reçoit Martin Schulz (le président du Parlement européen reçu en audience vendredi dernier, NDLR), ce n’est pas pour discuter des racines chrétiennes de l’Europe mais l’interroger directement sur ce que fait l’Europe pour les migrants ou contre le chômage des jeunes », poursuit cette source, pour qui le pape argentin « a une vision globale, où, contrairement à (celle de) ses prédécesseurs, l’Europe n’occupe pas le centre ».
« Le réveil de la Belle au bois dormant »
« Il se préoccupe dans le monde entier de ceux qui souffrent. Il développe une diplomatie pour les pauvres et les pays en difficulté », résume le président de la communauté de Sant’Egidio, Marco Impagliazzo, admirant la façon dont le pape « responsabilise et implique toutes les parties prenantes sur ce qu’il a à cœur » : « Par exemple, lorsqu’il a reçu des représentants de toutes les religions, il les a invités à dialoguer ensemble et à faire quelque chose contre le terrorisme religieux. » Ses audiences privées avec des dirigeants de toute la planète, qui ponctuent au quotidien son agenda, servent ce dessein.
Quitte à réaliser si nécessaire un coup d’éclat. La menace de frappes occidentales, début septembre en Syrie, a été l’occasion pour le Saint-Siège de mener une offensive diplomatique visible et coordonnée. Une implication qui n’avait pas été remarquée depuis celle de Jean-Paul II en 2003 contre la guerre en Irak.
« C’est le réveil de la Belle au bois dormant », estime une autre source diplomatique européenne : « Le réseau (des nonces apostoliques, NDLR) était peu sollicité » par le prédécesseur de Mgr Parolin, le cardinal Tercisio Bertone, décrit, ou plutôt décrié, comme « trop italo-centré ».
« Nous ne cherchons pas la popularité »
Le Vatican peut-il pour autant se faire entendre ? « La diplomatie du Saint-Siège a un rôle spécifique à jouer par rapport aux autres diplomaties. Dans notre monde d’aujourd’hui, elle dispose même d’une vraie opportunité pour apporter des solutions constructives », estime Reinhard Schweppe, ambassadeur d’Allemagne près le Saint-Siège. À l’exemple des points autour desquels le Saint-Siège a proposé une solution à la guerre en Syrie, présentée par Mgr Mamberti devant 71 ambassadeurs le 5 septembre dernier. En même temps, le pape adressait une lettre au G20.
De tels moyens devraient toutefois rester l’exception. « Je ne voudrais pas d’une diplomatie qui fasse les premières pages (des journaux) mais qui soit plus efficace », prévenait Mgr Parolin dans un autre entretien, en août, à un journal vénézuélien : « Nous ne cherchons pas la popularité. »
Ce mélange d’effacement et d’efficacité devrait servir au nouveau secrétaire d’État à approcher l’Asie, continent qu’il connaît bien et que d’aucuns à Rome jugent essentiel pour l’avenir de l’Église.
Source : La Croix