Les derniers chrétiens de Mossoul forcés à l’exil par l’État islamique

Vendredi 18 juillet, les dernières familles chrétiennes encore présentes à Mossoul quittaient la ville en direction de Qaraqosh, dans la plaine de Ninive, mais aussi plus à l’est, vers Erbil ou Dohuk au Kurdistan irakien. La maison d’un chrétien de Mossoul marquée de la lettre « N » en arabe (nûn), comme « Nazaréen »...

« Les djihadistes ont ordonné aux chrétiens de Mossoul de se convertir à l’islam, de payer la « jizyia » (l’impôt islamique qui fait du débiteur un « dhimmi », un protégé, NDLR) ou de quitter leurs maisons sans rien prendre. Toute propriété est désormais celle de l’État islamique », confirme le patriarche chaldéen Louis Raphaël Sako Ier.

« Sinon vous serez tués »

Cette nuit, des voitures de l’État islamique sont passées dans les quartiers où résidaient encore quelques familles chrétiennes. « Avec des haut-parleurs, ils ont dit : soit vous vous convertissez, soit vous payez l’impôt, soit vous partez avant 12 heures. Sinon vous serez tués », indique sur Twitter l’association Fraternité en Irak, citant des sources locales. L’État islamique a également distribué ce même message sur papier, frappé de son logo, un cercle blanc sur fond noir.

Les quelques centaines de chrétiens qui restaient à Mossoul sont déjà arrivés pour certains à Qaraqosh, ville majoritairement chrétienne – syrienne-catholique – située à une trentaine de kilomètres à l’est. Selon les informations de Fraternité en Irak, « des familles ont été pillées par les djihadistes au moment où elles ont passé le check-point de sortie. Or, papiers, et même voitures ont été volés dans certains cas. Certains n’ont pu partir qu’avec leurs habits sur le dos ».

N comme nazaréen

Ces deux derniers jours, l’inquiétude a commencé à grandir lorsque les insurgés sunnites ont commencé à marquer avec des signes distinctifs les maisons des chrétiens (avec un N comme « nazaréen », autrement dit « chrétien » en arabe) et des chiites. Ils ont aussi suspendu toute fourniture d’aliments et de gaz là encore pour les quelques chrétiens restant dans la ville, les chiites et les Kurdes.

« Ces inscriptions nous inquiètent car nous ne savons pas bien ce que cela signifie, témoignait hier sur le site Internet de La Vie , un prêtre de Mossoul qui a quitté la ville il y a deux semaines. Certains disent que les hommes de l’État islamique expriment par là le fait que ces maisons leur appartiennent désormais, d’autres pensent que ces inscriptions sont plutôt destinées à protéger les maisons des pillages ».

De fait, si les chiites ont été victimes d’atrocités dès l’entrée des insurgés sunnites dans la ville, et leurs mosquées systématiquement réduites en poussière, les chrétiens ont d’abord semblé relativement épargnés. Seuls des signes religieux – croix et statues – avaient été retirés des églises ou détruits.

Afflux de réfugiés

Pour la deuxième fois depuis le 10 juin, date de la prise de Mossoul par l’ex-État islamique de l’Irak et du Levant, la ville de Qaraqosh doit faire face à un nouvel afflux de réfugiés. Et ce alors que la suspension de la fourniture d’eau et l’approvisionnement erratique en électricité fragilise déjà la situation humanitaire et sanitaire. « C’est la consternation à Qaraqosh et la fin pour les chrétiens de Mossoul. Tout le monde est très choqué sur place », rapporte Fraternité en Irak.

Située sur les rives du Tigre, chef-lieu de la province de Ninive, Mossoul est la deuxième ville d’Irak par sa population. La ville actuelle a été bâtie sur les ruines de la Ninive biblique, capitale de l’empire assyrien. Siège de plusieurs évêchés, la ville accueillait, jusqu’à l’intervention américaine, une importante communauté chrétienne, plusieurs communautés religieuses, ainsi que des églises dont la fondation remonte, pour certaines, aux premiers siècles du christianisme.

 

La Croix

F. Achouri

Sociologue.

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