Les évêques de France confrontent leurs visions sur l’islam

Une large part des débats de l’Assemblée plénière des évêques de France, qui se tient cette semaine à Lourdes, est consacrée au dialogue avec les musulmans. Face aux approches diverses au sein de l’épiscopat, les évêques ont souhaité un débat franc.

 

  Attentats de janvier et de novembre, guerre en Syrie et en Libye, crise des migrants, situation dans les banlieues : l’islam bouscule la société française autant que l’Église catholique. D’autant plus que, face à la violence au nom de l’islam, beaucoup sont tentés soit d’évacuer toute religion de l’espace public, soit de faire du christianisme un étendard identitaire. Les évêques de France le sentent bien qui, à chaque rencontre du conseil permanent de la Conférence des évêques de France (CEF), évoquent la question de l’islam, du salafisme et des inquiétudes des fidèles. « Les chrétiens sont face à deux réalités : les musulmans eux-mêmes, mais aussi la réaction d’une société sécularisée », relève un évêque.

« Beaucoup réagissent plus par rapport à la situation internationale, à ce qui se passe dans les banlieues ou à ce qu’ils perçoivent comme le déclin de l’Église catholique, que vis-à-vis des musulmans eux-mêmes », reconnaît Mgr Michel Dubost, évêque d’Évry et président du conseil pour les relations interreligieuses de la CEF. Avec parfois des maladresses, comme celle de l’évêque de Belley-Ars, Mgr Pascal Roland qui, dans un livret pour l’Année de la miséricorde, avait évoqué « l’idéologie » de l’islam avant de s’expliquer dans une lettre à ses prêtres où il pointait la nécessité de « poser un regard critique sur l’histoire de l’islam et de rappeler qu’il s’agit à l’origine d’une secte judéo-chrétienne ».

« Nous n’avons pas tous exactement la même lecture »

« Nous vivons, chacun, dans des réalités différentes et nous avons besoin de nous dire les choses », explique un évêque. Mercredi 16 mars matin, les évêques ont donc commencé par un échange en ateliers thématiques. « Il s’agit de poser clairement les problèmes et de voir comment chacun réagit. Que nous ne parlions pas à partir de la théorie mais de la pratique », estime Mgr Dubost. Dans l’atelier consacré à l’enseignement catholique, les évêques ont ainsi échangé sur ces établissements où jusqu’à 80 % des élèves peuvent être musulmans, et sur ce que signifie, dans ce cadre, le « caractère propre » de l’école catholique ainsi que sur la formation des enseignants.

« Les évêques sont assez représentatifs de la société française : certains sont dans une optique de lutte, d’autres estiment que nous devons travailler avec ces concitoyens », résume Mgr Dubost. Pour le responsable du dialogue de l’Église avec les musulmans, « il faut admettre que nous n’avons pas tous exactement la même lecture ». D’où la nécessité de revenir aux fondamentaux. Dans l’exposé qu’il a donné aux évêques, l’évêque d’Évry, s’appuyant sur Vatican II, mais aussi sur l’apport des papes successifs (et notamment la rencontre d’Assise, il y aura 30 ans en septembre prochain), a rappelé les bases du dialogue aux yeux d’une Église qui regarde les autres religions « avec bienveillance ».

« Les chrétiens ne sont pas au clair avec leur propre foi »

« Cette question de l’islam ne regarde plus seulement quelques personnes engagées dans le dialogue, mais interpelle toutes les communautés », reconnaît un évêque qui insiste sur la nécessité de la formation. « Dans les visites pastorales, je m’aperçois vite que les chrétiens ne sont pas au clair avec leur propre foi, souligne un autre. Quand des jeunes musulmans parlent de Jésus comme du premier des prophètes, mais auquel aurait été substitué un sosie pour ne pas souffrir sur la croix, beaucoup d’enseignants ne comprennent pas ce que cela peut impliquer pour notre foi. Quand d’autres musulmans parlent à leurs copains chrétiens de leurs “trois dieux”, à propos de la Trinité, beaucoup ne savent que répondre… Quelles propositions faisons-nous aux fidèles pour vivre et expliquer l’Incarnation, la Résurrection, la Trinité ? »

Cette séquence sur l’islam doit se clore jeudi 17 mars par un débat en assemblée. Un échange que les responsables de l’épiscopat ont voulu franc, facilité par le huis clos de cette assemblée de printemps. « Mais, en partant de la pratique, je pense que nous aurons beaucoup plus de points d’accord qu’on ne le croit », affirme Mgr Dubost.

 

La Croix

F. Achouri

Sociologue.

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