Les Femen sont-elles allées trop loin?

En s’attaquant à un symbole de l’islam, les Femen se voient accusées de confondre religion et intégrisme.

De plus en plus critiquées, les Femen ont peut-être commis l’opération de trop. Mercredi, trois membres du mouvement féministe ont brûlé un drapeau dit « salafiste » devant la Grande Mosquée de Paris, pour exprimer leur solidarité avec une militante tunisienne. Selon leur mode opératoire habituel, elles ont agi seins nus et avaient écrit sur leur torse : « Arab women against islamists », « freedom for women » ou encore « Fuck your morals ». Les trois jeunes femmes ont déployé un drapeau noir barré de la « chahada », la profession de foi des musulmans, et l’ont enflammé.

« Pour parler du salafisme, il faut le connaître » a dénoncé un fidèle du lieu. En effet, selon Abdelasiem El Difraoui, docteur à Science Po Paris et auteur d’Al-Qaida par l’image, la prophétie du martyr (Ed. PUF), interrogé par 20 minutes, ce n’est pas un « drapeau salafiste », mais un symbole de l’islam en général que tentent de s’approprier les intégristes religieux. « Les Femen tombent dans le piège », continue-t-il. Leur confusion serait même « une victoire symbolique » pour les rigoristes, puisque l’islam se voit réduit à ses interprétations les plus radicales. Les Femen semblent d’ailleurs tentées de corriger le tir : sur leur page Facebook, la légende « Femen Action Against Salafist », écrite sous des photos de l’opération, a disparu.

Inna Shevchenko, une des fondatrices ukrainiennes du mouvement, a déclaré vouloir dénoncer « l’extrémisme musulman » en choisissant la Grande Mosquée de Paris, car ce lieu serait « symbolique ». Or il est généralement considéré comme modéré… L’anticléricalisme de la figure de proue des Femen semble la conduire à tout mettre sur le même plan. Comme le rapporte Le Monde Diplomatique, elle a notamment déploré que la société ukrainienne « ait été incapable d’éradiquer la mentalité arabe envers les femmes »une phrase à l’emporte pièce, peut-être, mais qui indigne les militants antiracistes de tous bords.

« Toutes les religions ont des problèmes avec le corps de la femme, et l’Islam ne fait pas exception”, estime une Femen interviewée par Libération, Maryam Namazie, qui finit par reconnaître qu’« il ne faut pas non plus parler d’un ‘monde musulman’ uni. Il y a beaucoup d’opinions différentes en Tunisie, comme en France et en Grande-Bretagne. » Toutefois, rapporte France inter, plusieurs militantes ont refusé de cautionner la dernière action du mouvement et ont décidé de quitter l’association. Jusque dans leurs rangs, en somme, les Femen font l’objet de critiques de plus en plus vives.

Source : Le Monde des Religions

 

Fatima Achouri

Sociologue spécialiste de l’islam contemporain.

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