Troisième volet de la trilogie entamée par Benoît XVI, et due essentiellement à sa plume, l’encyclique sur la foi est publiée vendredi 5 juillet, complétée par le pape François.
Les deux papes signeront-ils en commun « leur » encyclique, publiée vendredi 5 juillet en milieu de journée ? On peut penser que non, puisque la Salle de presse du Saint-Siège la présente comme l’encyclique du pape François. Reste que Lumen Fidei, qui sera largement diffusée en Italie, où la Librairie éditrice du Vatican a d’ores et déjà imprimé 500 000 exemplaires (90 p, 3,50 €) est assurément, et c’est déjà une première en soi, le fruit du travail « à quatre mains », comme l’a dit lui-même le pape François, des deux papes vivants, l’émérite et le régnant.
Au lendemain de la renonciation du pape Ratzinger, le 11 février dernier, le sort de ce texte était encore fort incertain. On savait que Benoît XVI avait décidé de parachever sa trilogie commencée le 25 janvier 2006 avec Deus caritas est sur la charité, poursuivie le 30 novembre 2007 avec Spe Salvi sur l’espérance, par une encyclique sur la première des trois vertus cardinales : la foi.
Ce texte, qui passait déjà pour bien avancé, aurait pu rester dans la grande boîte blanche posée sur la table de Castel Gandolfo, lors de la rencontre historique entre les deux hommes en blanc, le 23 mars dernier. Joseph Ratzinger aurait aussi pu, comme il l’avait choisi pour sa trilogie sur Jésus, la signer en son nom personnel, et non pas en tant qu’acte de son magistère.
Pour les deux papes, la rencontre avec le Christ est centrale
Le pape François en a décidé autrement, balayant les prévisions officielles. Le 13 juin, improvisant devant les membres du Secrétariat général du Synode des évêques, il s’est laissé aller à une confidence : « Maintenant, doit sortir une encyclique à quatre mains. » Celle-là même que Benoît XVI avait commencée : « Il me l’a transmise. C’est un document fort. C’est lui qui a fait le gros du travail, et je vais le poursuivre. »
C’est désormais chose faite. Marquant ainsi une continuité pontificale évidente sur le fond, si ce n’est sur la forme, le pape argentin, pasteur des pauvres, reprend à son compte le travail minutieux et précis réalisé par le théologien universitaire allemand. L’un comme l’autre se soucient d’un retour essentiel aux données fondamentales de la foi chrétienne, qui doit être toujours et partout approfondie.
Comme il l’a répété lors de son homélie à Sainte-Marthe mardi dernier, le pape François récuse tant le pélagianisme que le gnosticisme, le rigorisme formel comme l’évanescence spirituelle. Pour les deux papes, la rencontre avec le Christ est centrale. Elle sera probablement au centre de cette encyclique.
« Franchir le seuil de la foi », car « Jésus en est la porte »
En signant sa première encyclique tout juste quatre mois après son élection, le pape François a, dans ce domaine aussi, bousculé les temps pontificaux. Son prédécesseur avait attendu huit mois. Il est vrai que, déjà, Deus caritas est avait bénéficié d’apports importants légués par Jean-Paul II. Lequel avait pris cinq mois pour rédiger Redemptor hominis, son premier texte fort. Paul VI, lui, avait eu besoin de quatorze mois pour son Ecclesiam suam du 6 août 1964.
Si la teneur ratzingérienne de Lumen Fidei suscite peu d’interrogations, l’apport du pape argentin sera scruté avec grand intérêt. En effet, les sources « bergogliennes » en matière de théologie fondamentale ne sont pas si nombreuses.
En octobre 2012, l’archevêque de Buenos Aires avait écrit à son diocèse à l’occasion de l’ouverture de l’Année de la foi. Il invitait les hommes de bonne volonté à « franchir le seuil de la foi », car « Jésus en est la porte ». Plus tôt, en 2007, on se souvient qu’il avait été l’un des rédacteurs essentiels du document dit « d’Aparecida » publié à l’issue de la rencontre de tous les épiscopats latino-américains. Ensemble, ils avaient lancé un appel à la « mission continentale ».
Le témoignage est vital
Plus récemment, le 18 mai dernier, à la veille de la Pentecôte, le pape François avait improvisé au Vatican devant une foule composée de membres de mouvements d’évangélisation. Il s’était situé dans une perspective très dynamique, insistant sur la personne du Christ, sur la nécessité de la prière « qui n’est pas une stratégie ».
À ses yeux, le témoignage est vital, tout comme l’attention aux pauvres, « chair du Christ ». Et le baptisé, s’il doit tout faire pour éviter de « se fermer », doit cultiver la modestie, l’humilité. Ces éléments, remaniés par le pape François, pourraient constituer la préface, voire la conclusion, de cette première encyclique commune à deux papes vivants.
Lumen Fidei ouvrira la voie à d’autres textes très attendus du pape argentin. Il consacrera son mois d’août, au Vatican mais sans audiences, à travailler sur l’exhortation apostolique consécutive au synode de 2012 sur la nouvelle évangélisation. Reprenant les propositions et le message final, il a prévu de leur donner une ampleur plus large, ouvrant, là encore, la voie à des perspectives dynamiques ouvertes à tous. Mais ce texte-là, il en sera le seul auteur.
Source : La Croix