Pélerinage de Chartres : un antidote à la décivilisation ?

Jésus Christ, Religion, JésusLe dynamisme du pèlerinage de Pentecôte à Chartres donne à réfléchir. Le fait qu’il ait pu être rapporté par une chaîne de télévision comme TF1, avec objectivité et sans l’aigreur qui caractérise souvent les appréciations sur un catholicisme défini comme « traditionnaliste » est peut-être un indice significatif. Alors que l’avenir du christianisme, en termes sociologiques, se pose en notre pays et en Europe, on observe avec un certain intérêt un pôle qui se signale par sa solidité et sa permanence ; mais aussi par son expansion et sa faculté d’entraîner des jeunes avides de mieux assurer leur foi. Sans doute s’agit-il d’une réalité minoritaire, qui ne recouvre qu’une part du corps ecclésial et qui accuse le contraste avec le déclin spirituel dont rendent compte les statistiques. Cependant, ce contraste même contribue à mettre en valeur une démarche en rupture avec un univers déstructuré intellectuellement et moralement, dont le président de la République a pu dire qu’il était en plein «  processus de décivilisation  ».

Sens du sacré

Dans ces conditions, il conviendrait de s’attarder sur les composantes de cette sensibilité que reflète le pèlerinage de Chartres. Et tout d’abord cet attachement à ce que les intéressés appellent la liturgie traditionnelle. Isabelle de Gaulmyn, notre collègue de La Croix, qui veut pourtant faire preuve d’irénisme dans l’Église, écrit un peu abruptement que «  la messe en latin ne sauvera pas l’Église  ». Sans doute, mais outre que cette forme de liturgie ne se réduit pas à l’usage du latin, il y a lieu de s’interroger sur les raisons qui séduisent des jeunes gens en sa faveur. Serait-ce un certain sens du sacré qui impose plus de recueillement intérieur ? Bien sûr, la notion de sacré n’est pas univoque, mais rapportée à son acclimatation biblique et évangélique, elle requiert plus que du respect, d’autant qu’elle renvoie à une richesse de contenu.

Autant la constitution du concile Vatican II sur la liturgie laissait espérer un authentique renouveau, autant la réforme à laquelle elle a donné lieu n’a pas toujours correspondu à cette promesse. On devrait sur le sujet revenir au diagnostic du Père Louis Bouyer, que l’on ne saurait classer parmi les adversaires d’une réforme qu’il anticipa avec une profondeur théologique reconnue : «  En ce qui concerne la liturgie, on a confondu une liturgie vivante avec une liturgie qui devait rejeter comme entraves tout ce qui lui restait – fossilisé parfois – de la Tradition et se développe maintenant, non seulement dans un sens a-traditionnel, mais dans un sens anti-traditionnel. Ainsi donc ce qui aurait pu être occasion de renouveau a seulement permis la précipitation d’une crise qui se préparait en raison d’une très insuffisante imprégnation du clergé d’abord et des fidèles ensuite des richesses de l’authentique tradition chrétienne  » (Louis Bouyer, Le métier de théologien. Entretiens avec Georges Daix, 1979).

Sortir des divisions dans l’Église

Ces propos peuvent paraître sévères, mais on ne saurait les esquiver, car ils expliquent beaucoup des malaises qui ont entraîné des divisions dans l’Église. Ce n’est pas pour rien que le cardinal Ratzinger en appelait à «  une réforme de la réforme  », et que devenu pape, il entendait mettre en tension harmonique liturgie dite tridentine et liturgie dite conciliaire.

Sans doute, son successeur François a-t-il craint que la persistance d’une opposition dans l’Église ne tourne en un durcissement partisan. Cependant, l’existence d’une manifestation comme celle du pèlerinage de Chartres permet d’entrevoir que le différend liturgique peut s’accompagner d’un authentique amour de l’Église et que la jeunesse des participants impose aux responsables de l’Église un examen bienveillant en rapport avec l’authenticité d’un témoignage.

 

France Catholique

Fatima Achouri

Sociologue spécialiste de l’islam contemporain.

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