Alors que vient d’avoir lieu, dans une synagogue de Pittsburgh, le plus violent attentat antisémite de l’histoire des États-Unis, « La Croix » propose un portrait de la communauté juive, qui représente à peine plus de 2 % de la population américaine.
Les États-Unis comptent la plus grande diaspora juive du monde : environ 6,7 millions de personnes, soit un peu plus de 2 % de la population américaine. Elle constitue la troisième communauté religieuse du pays, après les protestants et les catholiques.
Alors que la présence juive aux États-Unis remonte au début du XVIIe siècle, elle est aujourd’hui très liée aux différentes vagues d’immigration, en premier lieu celle des Ashkénazes ayant fui les persécutions et la misère en Europe de l’Est à partir du XIXe siècle. Environ deux millions de juifs auraient quitté la Russie et l’Europe Centrale pour les États-Unis entre 1881 et 1914, emportant avec eux une mémoire des pogroms et des opinions politiques progressistes qui vont durablement marquer la communauté juive américaine, historiquement acquise au parti démocrate depuis le New Deal de Franklin D. Roosevelt en 1932.
Victime de discriminations jusqu’aux années 1950, la communauté juive des États-Unis a, par la suite, profité dans son ensemble de la prospérité de l’après-guerre et d’une plus grande ouverture de la société américaine, sans pour autant changer radicalement d’affinités politiques. Ainsi plus de 70 % des juifs américains ont voté en faveur d’Hillary Clinton aux élections présidentielle de 2016. Une part non négligeable de la communauté juive américaine, principalement la frange religieuse orthodoxe et conservatrice, a néanmoins été séduite par la proposition de Donald Trump de déménager l’ambassade américaine en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem.
La Shoah au cœur de l’identité
« La mémoire des persécutions pousse les juifs libéraux, majoritaires, du côté de ceux qui sont dans la souffrance : les militants des droits civiques pour les Noirs dans les années 1960, et aujourd’hui les réfugiés », commente Laura Hobson Faure, maîtresse de conférences à Paris-III. L’historienne note que l’auteur de l’attentat de la synagogue de Pittsburgh, le 27 octobre, ciblait dans ses messages haineux l’organisation HIAS (Hebrew Immigrant Aid Society), importante ONG juive qui avait affirmé son soutien aux réfugiés syriens.
Des responsables religieux juifs ont accusé Donald Trump d’avoir une part de responsabilité dans cet attentat. « Vos paroles et vos politiques ont enhardi un mouvement nationaliste blanc qui grandit de plus en plus », ont-ils écrit dans une lettre ouverte publiée le lendemain de la tuerie. D’après l’Anti-Defamation League, principale association de lutte contre l’antisémitisme aux États-Unis, le nombre d’actes antisémites aurait bondi de 57 % entre 2016 et 2017, soit la plus forte recrudescence jamais constatée par l’association.
« Il y a, depuis l’élection de Trump, un retour du sentiment d’insécurité chez les Juifs américains, mais qui était néanmoins moins fort qu’en France car il n’y a pas le même héritage de la Shoah », nuance Laura Hobson Faure, « de ce fait les attaques antisémites provoquaient un sentiment de danger moins imminent, mais l’attaque de Pittsburgh change tout, car il y a eu des morts, de surcroît, dans un lieu de culte. Les synagogues aux États-Unis ne sont pas équipées d’un fort appareil de sécurité, car il y avait justement le sentiment de vivre dans une société ouverte au Judaïsme. »
La Shoah occupe toutefois une place centrale dans la définition d’une identité juive américaine. Dans un sondage d’ampleur daté de 2013, le Pew Research Center établissait que la mémoire de la Shoah était le critère le plus unanimement cité pour définir les caractéristiques fondamentales de l’identité juive (73 %), devant l’attachement à Israël (43 %) et le respect des Dix Commandements (19 %). Deux tiers des juifs américains sondés affirme ainsi que la culture et la tradition importent plus que la religion.
La Croix