Thomas Jefferson et l’islam

Thomas Jefferson et l’islam, récit d’une proximité intellectuelle méconnue

L’un des pères fondateurs de l’Amérique, le troisième homme d’Etat à présider aux destinées de la nation (1801-1809), Thomas Jefferson, cet apôtre des Droits de l’homme et l’une des grandes plumes de la Déclaration d’Indépendance (1776), a-t-il été inspiré, influencé, voire éclairé par la lecture du Coran ?

Loin d’être saugrenue ou purement anecdotique, la question de la proximité intellectuelle, certes non exempte de contradictions, qui a uni cette illustre figure des Etats-Unis à l’islam, appartient à la Grande Histoire et est mise, à ce titre, en exergue dans l’ouvrage publié par Denise A. Spellberg, professeur agrégé d’histoire américaine et islamique à l’Université d’Austin, au Texas : « Le Coran de Thomas Jefferson. L’islam et les Fondateurs ».

Le Saint Coran n’est pas un livre qui est tombé des mains du jeune Thomas Jefferson, alors étudiant en droit désireux d’approfondir sa connaissance des textes de loi du monde entier, mais au contraire l’a passionné dès les premières pages, suscitant une curiosité et une soif d’apprendre intarissables que toute une vie n’a pas été assez longue pour assouvir.

Comme nombre de ses pairs de l’époque qui, ne se fiant qu’à leur libre arbitre et au risque d’encourir l’opprobre, s’affranchissaient du dénigrement ambiant à l’égard des musulmans pour s’imprégner de la quintessence du Texte, Thomas Jefferson pensait initialement que le Coran était un recueil de lois et a été captivé par la profondeur de sa spiritualité.

Tout à la fois philosophe, agronome, inventeur et architecte, Thomas Jefferson était un grand esprit, illuminé par la hauteur de vue des Lumières, qui ajouta une corde à son arc : l’apprentissage de la langue arabe dont l’intérêt a été aiguisé au fil de ses acquisitions de textes en arabe, parallèlement à sa défense de la liberté religieuse qui n’a fait que se renforcer au fur et à mesure de ses lectures.

Dans son livre, Denise A. Spellberg brosse le portrait d’un éminent personnage, dont le souvenir est ancré dans la mémoire collective américaine, qui s’est distingué par ses relations complexes et fascinantes avec l’islam et les musulmans, une équation parfois inextricable qui l’a mis en très mauvaise posture : être le premier dirigeant des Etats-Unis à s’opposer à une nation islamique, tout en étant accusé par ses opposants politiques d’être musulman, et ce bien avant Obama…

En dépit de son engouement certain pour les enseignements de l’islam et de ses efforts pour les appréhender, Thomas Jefferson reprochait toutefois à la religion musulmane sa nature répressive, notamment à l’égard de la science, mais sans être pour autant pour ce va-t-en-guerre parti en croisade contre l’extrémisme musulman, comme certains intellectuels américains, qui réécrivent l’histoire à la lueur de leur militantisme farouche et peu académique, aimeraient le faire passer aujourd’hui.

Ces derniers occultent un peu trop hâtivement que Thomas Jefferson, l’ardent défenseur des droits de l’homme, fut le grand protecteur de la liberté religieuse des musulmans d’Amérique. Cette réalité méconnue est bien mise en relief par l’ouvrage qui lui est dédié, tout en jetant une lumière crue sur l’actuelle spirale infernale de l’islamophobie, dont on se demande si le souffle épique d’une grande page d’histoire contribuera à la briser…

Oumma

 

Fatima Achouri

Sociologue spécialiste de l’islam contemporain.

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