Voile en Iran : les salariées d’Air France pourront refuser d’aller à Téhéran

Les hôtesses et pilotes femmes affectées sur un Paris-Téhéran et qui refuseraient de porter le foulard seront réaffectées sur une autre liaison.

      Air France va permettre à son personnel féminin de refuser les rotations Paris-Téhéran, conformément aux souhaits des syndicats qui avaient relayé « l’émoi » suscité par une note interne demandant de se conformer à la loi iranienne sur le voile. La polémique a émergé en fin de semaine dernière dans les médias, mais agite les cabines et cockpits d’Air France « depuis des semaines », rappelle Flore Arrighi de l’Union des navigants de l’aviation civile (Unac). En cause, un mémo d’Air France dans lequel il est demandé « de mettre un pantalon, une veste longue et surtout d’utiliser le foulard de notre uniforme en le portant en voile à l’arrivée à Téhéran », développe Caroline Rolland, déléguée CGT (non représentatif chez les navigants).
La compagnie tricolore doit rouvrir à partir du 17 avril la liaison Paris-Téhéran, suspendue depuis 2008 à la suite de sanctions internationales contre l’Iran. Or, la loi iranienne « impose le port d’un voile couvrant les cheveux, dans les lieux publics, à toutes les femmes présentes sur son territoire », s’était défendue Air France samedi, évoquant une obligation « qui ne s’applique pas durant le vol » et est « respectée par toutes les compagnies » internationales desservant le pays.
« On est tout à fait satisfait de cette décision »

L’explication n’avait pas convaincu les syndicats. L’Unac avait fait part de « l’émoi suscité par les contraintes imposées par les autorités locales », tandis que le SNPNC et l’Unsa PNC avaient dénoncé « une atteinte à la liberté de conscience et aux libertés individuelles », ainsi qu’à « la liberté de la femme ». Ils réclamaient la mise en place du « nolontariat », c’est-à-dire la possibilité de se déclarer « non-volontaires » sur les vols entre Paris et Téhéran.

Air France a finalement accédé à leurs doléances lundi. Son DRH, Gilles Gateau, a reconnu sur Europe 1 que la compagnie faisait face à « un problème particulier » sur cette ligne et a annoncé la mise en place d’« un dispositif d’exception ». « Quand une hôtesse, ou une pilote, sera affectée sur un vol à destination de Téhéran, Air France lui donnera la possibilité de se désister et d’être affectée sur un autre vol. Chacune devra indiquer au préalable son refus de porter le foulard, suivant une procédure qui leur sera précisée », a confirmé Air France dans un communiqué.
« On est tout à fait satisfait de cette décision », même si « on reste très vigilant sur son application », a réagi Flore Arrighi. Un « refus de vol des hôtesses sera sans conséquence » sur leur rémunération, il ne sera pas inscrit dans leur dossier personnel et il n’entraînera « pas de déstabilisation de leur planning », a-t-elle ajouté. Le SNPNC s’est aussi montré « satisfait », tout en regrettant que l’entreprise ait pris cette décision tardivement, sous la pression médiatique. « Ce système préserve les intérêts économiques de l’entreprise et la conformité aux lois du pays de destination tout en respectant la liberté de conscience du personnel navigant », a réagi de son côté la ministre des Droits des femmes, Laurence Rossignol.
« La seule escale Air France qui impose le port du foulard »

En pratique, la direction contactera les hôtesses déjà inscrites sur les vols prévus en avril vers Téhéran, pour savoir si elles souhaitent une réaffectation. À partir de mai, le personnel refusant d’aller en Iran devra se faire connaître, précise Christophe Pillet (SNPNC). Selon lui, la procédure d’exception mise en place à Téhéran n’aura pas vocation à être adoptée ailleurs, puisque la capitale iranienne est « la seule escale Air France qui impose le port du foulard ».
Gilles Gateau l’a d’ailleurs rappelé : pour les autres destinations desservies par le groupe Air France-KLM, « ça ne peut pas reposer dans tous les cas sur des volontariats », y compris vers l’Arabie saoudite où « il n’y a jamais eu une difficulté de (ce) type ». Dans ce pays, « il y a une tolérance vis-à-vis des visiteuses étrangères », explique Flore Arrighi. « On peut débarquer de l’avion en robe et la tête découverte jusqu’à l’hôtel », et si on veut sortir ensuite, « l’obligation s’impose à nous, mais c’est un choix ».

 

AFP

Fatima Achouri

Sociologue spécialiste de l’islam contemporain.

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