Une nouvelle frappe saoudienne aurait fait plus de 100 morts au Yémen

Alors que depuis l’été, les fronts se multiplient, les alliances s’érodent et les villes changent de maîtres, une constante demeure dans la guerre qui sévit au Yémen. On continue de périr, dans les territoires tenus par les rebelles houthistes, sous les bombes de l’Arabie saoudite et de sa coalition. Dimanche 1er septembre, dans la localité de Dhamar, sous le contrôle des rebelles combattus par Riyad, une frappe visant un centre de détention a fait plus de 100 morts, selon le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à Sanaa, qui avait visité le site à plusieurs reprises.

A la tête du CICR au Yémen, Franz Rauchenstein, joint par Le Monde à Sanaa, dénonce un incident « très grave », rappelant que les prisonniers sont protégés, en situation de conflit, par le droit international. La coalition menée par l’Arabie saoudite au Yémen a pour sa part soutenu qu’elle « n’avait pas été informée » du fait que le bâtiment servait de prison. « C’est une cible militaire légitime où sont stockés des drones et des systèmes de défense aériens », a assuré, lors d’une conférence de presse, le porte-parole de la coalition, Turki Al-Maliki. « Les milices houthistes portent l’entière responsabilité » de cette frappe car elles utilisent « ce site comme un lieu de détention de citoyens yéménites [victimes de] disparitions forcées », a-t-il dénoncé.

Pour M. Rauchenstein cependant, l’attaque de la coalition n’est pas un incident ordinaire : « Il ne s’agit pas d’un cas où des civils sont des victimes collatérales. Ce centre de détention, assez connu, où des prisonniers capturés en situation de combat sont enfermés depuis parfois plus de deux ans, a été spécifiquement ciblé pour des motivations qui restent à déterminer. » L’émissaire de l’Organisation des Nations unies (ONU) au Yémen, Martin Griffiths, a dit pour sa part « espérer que la coalition lance une enquête ».

Depuis l’intervention de l’Arabie saoudite contre les houthistes qui ont pris le contrôle de larges pans du territoire du pays à partir de 2014, la guerre a tué des dizaines de milliers de Yéménites. Les nombreuses pertes civiles causées par les bombardements de la coalition et par les actions des autres belligérants se conjuguent à une crise humanitaire considérée par l’ONU comme la plus grave au monde, alimentée par l’effondrement des institutions et le morcellement croissant du pays.

Confrontations

La descente vers le chaos s’est même accélérée avec les confrontations, au sein même de la coalition antihouthiste, entre les partisans d’Abd Rabbo Mansour Hadi, le président yéménite en exil en Arabie saoudite, soutenu par le royaume, et les séparatistes du sud du Yémen protégés par les Emirats arabes unis. Ces confrontations entre ces forces formellement alliées ont pris une dimension inédite dans le courant du mois d’août à Aden, la deuxième ville du pays, laissant planer le spectre d’une guerre dans la guerre.

Les séparatistes ont pris le contrôle d’Aden et s’y sont maintenus grâce au soutien d’Abou Dhabi. L’aviation émiratie a même bombardé un convoi militaire gouvernemental soutenu par les forces saoudiennes. Tandis que leurs alliés s’affrontent sur le terrain, les divergences d’intérêts se creusent entre les deux principaux membres de la coalition.

L’élimination des houthistes, obsession saoudienne insatisfaite malgré la violence de la campagne aérienne menée par le royaume contre les territoires qu’ils contrôlent ne semble pas être une priorité des Emiratis. Ces derniers, qui réduisent leur présence militaire au sol, entendent surtout conserver dans le sud du pays, une zone d’influence qui pourrait s’accommoder de l’indépendance de ce territoire. Dans cette guerre qui se ramifie, où ses ennemis se maintiennent et où ses alliés s’écartent, l’Arabie saoudite semble prise dans une impasse dont la frappe de dimanche ne fait que rappeler le caractère sanglant.

Le Monde.fr

Fatima Achouri

Sociologue spécialiste de l’islam contemporain.

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