Samedi 28 septembre 2013, à la maison des évêques de France à Paris, une centaine de responsables catholiques et musulmans ont célébré le quarantième anniversaire de la création du « service des relations avec l’islam » par la conférence épiscopale.
Des « rêves » pour renforcer le dialogue islamo-chrétien, aujourd’hui mis à mal par la peur qui gagne des deux côtés, les intervenants au 40e anniversaire du Service des relations avec l’islam de la Conférence des évêques de France (CEF), n’en manquaient pas. Ils les ont partagé samedi 28 septembre 2013, lors d’une table-ronde consacrée à « l’avenir du dialogue islamo-chrétien en France aujourd’hui ? », animée au siège de la CEF à Paris par le P. Vincent Feroldi, responsable des relations avec l’islam dans le diocèse de Lyon.
« Je rêve que l’on familiarise les enfants avec la rencontre de l’autre dès le catéchisme, ou à l’adolescence », a commencé l’islamologue Anne-Sophie Vivier-Muresan, enseignante à l’Institut catholique de Paris. « Que dans les quartiers populaires notamment, cette rencontre passe d’abord par la culture, parce qu’il n’est pas toujours facile de parler de sa foi, et parce que nous sommes des hommes et des femmes et pas seulement des musulmans et des chrétiens. Et je rêve enfin que tous les prêtres, les diacres et les responsables de communauté découvrent l’islam et le dialogue à un moment de leur formation : c’est une nécessité pour leur mission en France aujourd’hui, mais également pour leur foi. »
Évoquer ensemble les sujets de société
Recteur de la mosquée de Villeurbanne et grand habitué des rencontres islamo-chrétiennes à Lyon, Azzedine Gaci a souhaité, lui, que « les rencontres inter religieuses prennent un tour plus spirituel », témoignant au passage combien ses échanges avec « ses amis chrétiens lui avaient appris à être seul avec Dieu ». « Je voudrais aussi plus de rencontres entre les représentants de la CEF et des théologiens musulmans sur les enjeux de société », a-t-il poursuivi, avant de rappeler que « dans le dialogue, l’objectif n’est pas que je devienne comme celui avec lequel je parle mais que ses questions provoquent ma foi et finalement la renforce ». Responsable des relations avec l’islam dans le diocèse de Bordeaux, Georges Jousse a dit quant à lui son espoir que se multiplient les rencontres fraternelles entre chrétiens et musulmans : « Je crois que les catholiques seraient étonnés s’ils entendaient des musulmans parler de leur relation à Dieu. »
« Des rêves pour le dialogue inter religieux, j’en ai plein, y compris des projets de télé-réalité », a lancé le jeune Soufiane Torkmani, membre actif de l’association Co-exister, provoquant l’hilarité de la salle. Plus sérieusement, il a insisté sur la nécessité pour chaque communauté de penser à adresser des messages lors des fêtes religieuses de l’autre – « recevoir un message des chrétiens pour l’Aïd, ça nous touche » – ou de « s’indigner lorsqu’il est agressé ». Membre du Groupe des foyers chrétiens, elle-même musulmane mariée à un catholique, Sana de Courcelles a formulé le vœu que « le dimanche matin, sur France 2, chacune des émissions consacrées à une religion s’achève pas quelques minutes sur le dialogue. Cela rappellerait à tout le monde qu’il est possible ! »
Une préoccupation pour les évêques
Pour autant, les intervenants à cette journée de célébration n’ont pas caché les difficultés que traversent les relations islamo-chrétiennes. « Aujourd’hui, ces réalités sont marquées aussi par les événements nationaux et internationaux qui en complexifient le contexte et la réalisation », a reconnu Mgr Georges Pontier, archevêque de Marseille et président de la CEF dans un message lu lors de l’ouverture des travaux. « Nous, nous savons combien ce chemin est nourrissant, mais il n’est pas si facile de le faire rayonner. C’est une préoccupation pour nous évêques », a reconnu Mgr François Fonlupt, évêque de Rodez et membre du Conseil pour les relations inter religieuses.
« Face aux lenteurs des progrès, aux violences, aux persécutions, certains jugent ses résultats décevants », a reconnu le cardinal Jean-Louis Tauran, président du Conseil pontifical pour le dialogue inter religieux. « Le grand problème c’est l’ignorance, nous ne nous connaissons pas assez. Pour autant le dialogue est une nécessité. »
Transmettre aux jeunes la passion du dialogue
En conclusion, le P. Christophe Roucou, le directeur du SRI, a posé quelques « souhaits pour l’avenir », parmi lesquels « un travail en commun dans les quartiers populaires, là où les contacts sont les plus fréquents et les difficultés augmentent, avec l’influence de courants radicaux », et également un effort spécial en direction des jeunes générations, via le scoutisme ou l’école catholique, pour « leur transmettre la passion du dialogue ». « Nous devons aussi oser aller plus loin dans le travail entre intellectuels, responsables de culte, pour plus d’intériorité, de réflexion ensemble sur les grands sujets de société, mais aussi aborder ensemble les questions qui fâchent comme celle de la liberté de conscience dans le cas des mariages mixtes », a indiqué le P. Roucou. À ses yeux, la multiplication des « groupes de partage » comme celui qui, à Marseille, réunit régulièrement des prêtres, des imams et sœur Colette Hamza, xavière et déléguée diocésaine du SRI, est sûrement une voie d’avenir.
Source : La Croix