Les religions appellent à s’engager pour l’unité et le dialogue

Les responsables religieux français sont inquiets des conséquences des attentats sur l’unité nationale. Les responsables musulmans veulent agir contre les discours radicaux.

 

 

Le pape François aux côtés du révérend Jens<br />
 Martin Kruse.         Dès samedi 14 novembre, de très nombreux responsables religieux ont réagi aux attentats de Paris et Saint-Denis, faisant part de leur émotion, appelant à prier pour les victimes, mais aussi à contribuer à l’unité nationale et à la paix. Tous conscients de leur responsabilité.

« Nous sommes appelés – et les chrétiens les premiers – à résister au piège du choix d’un bouc émissaire, à poursuivre et à développer notre engagement pour la consolidation du lien social entre tous nos compatriotes », déclare à La Croix le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris, qui devait célébrer dimanche soir à Notre-Dame une messe à l’intention des victimes et de la France.

Faire de chacun le gardien de son frère

« Il nous faut désormais collectivement restaurer notre capacité à la vigilance et notre responsabilité les uns envers les autres qui feront de chacun le gardien de son frère », a affirmé de son côté le grand rabbin de France Haïm Korsia, qui devait, lui aussi, présider le 15 au soir une cérémonie de recueillement et de prières à la synagogue parisienne de la Victoire.

« Face à ces attaques qui mettent en cause notre compréhension commune de l’humanité, il faut redire la fraternité qui nous unit et la nécessaire lutte contre la radicalisation », insiste de son côté le pasteur François Clavairoly, président de la Fédération protestante de France, qui coordonne la Conférence des responsables de culte en France.

A ses yeux, « le projet politique et militaire qui s’appelle Daech n’a à voir ni avec l’islam des origines, ni avec ce que vivent la grande majorité des musulmans en France. Il est totalement disqualifié pour parler des religions ».

« Ces actes n’ont rien à voir avec l’islam »

Un discours qui rejoint celui des responsables musulmans français. Dès vendredi 13 au soir, le Conseil français du culte musulman (CFCM) dénonçait des « attaques odieuses et abjectes ». Et il prévoit, sans doute à la fin de la semaine, un rassemblement de toutes les composantes de l’islam de France pour « dénoncer le terrorisme, la violence, et rappeler que les valeurs de l’islam ne peuvent être invoquées » pour justifier de tels actes.

« Il nous faut redire inlassablement que ces actes n’ont rien à voir avec l’islam, sans tomber dans le déni : en effet, des interprétations erronées des textes peuvent servir de justification et c’est à nous de redire qu’elles sont fausses et s’appuient sur des versets sortis de leur contexte », souligne Anouar Kbibech, président du Rassemblement des musulmans de France et du CFCM.

« Daech est un ennemi des musulmans, et des musulmans français, car c’est un ennemi de la France », n’hésite pas à asséner Mohammed Moussaoui, président de l’Union des mosquées de France.

La solution passe par la formation des imams…

Pour l’ancien président du CFCM, néanmoins inquiet du nombre de jeunes musulmans français séduits par Daech, la solution passe par la formation des imams, à laquelle travaille sa fédération en lien avec le Maroc. « Bien que beaucoup se radicalisent par Internet, si le million de musulmans qui vient chaque vendredi dans les moquées est sensibilisé par des paroles fortes des imams, cela aidera à immuniser notre jeunesse », explique-t-il, soucieux aussi de rajeunir les imams.

« Il faut que les jeunes soient en contact avec des imams qui leur ressemblent, des imams qui maîtrisent les réseaux sociaux, mais aussi solides théologiquement pour contrecarrer le discours des radicaux. »

Mais la mobilisation n’est pas que le fait des responsables. « On ne peut pas être seulement dans la déclaration. Il faut créer du lien, proposer des espaces de dialogue », explique Radia Bakkouch, nouvelle présidente de Coexister.

… et par la connaissance mutuelle

Les rassemblements étant interdits par l’état d’urgence, ce mouvement de jeunes promouvant le dialogue interreligieux vient de lancer #Voisins Unis, relayé par les réseaux sociaux, qui propose à chacun d’inviter ses voisins pour se rencontrer autour d’un café ou un thé. « La création de lien, les actions en commun, c’est ce qui évite les généralisations, explique Radia Bakkouch. L’autre n’est plus “les chrétiens” ou “les musulmans”, mais quelqu’un que l’on connaît. »

La connaissance mutuelle, telle est bien la solution aussi pour le P. Jean Druel, directeur de l’Institut dominicain d’études orientales, au Caire :« Donnons la parole aux musulmans. Nombreux sont ceux qui se plaignent de ne pas les entendre assez : sollicitons-les, en leur redisant que certaines paroles ont plus de poids s’ils les disent eux-mêmes. Et lisons aussi ce qu’ils écrivent. Cela nous montrera que de nombreux musulmans ne pensent pas comme Daech. Nous découvrirons la diversité de l’islam et pourrons décrypter nous-même les discours extrémistes. »

 

La Croix

F. Achouri

Sociologue.

Nos services s'adressent notamment aux organisations publiques et privées désireuses de mieux comprendre leur environnement.

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