Après quatre ans d’une procédure parfois chaotique, la Fédération de Russie et l’architecte Jean-Michel Wilmotte ont dévoilé vendredi 17 janvier les plans du futur centre orthodoxe du quai Branly, qui comportera un lieu d’exposition, une cathédrale, un centre cultuel ainsi qu’une école. Un projet qui va coûter 100 millions d’euros à la Russie.
Cinq bulbes dorés à quelques pas de la tour Eiffel : les Parisiens devront s’accoutumer à cette vision insolite. Après quatre ans de procédure, le futur centre orthodoxe russe voulu par la fédération de Russie sortira de terre d’ici à deux ans. Un processus « qui n’a pas été facile et même parfois dramatique », a reconnu sans ambages le chef de l’intendance du Kremlin, Vladimir Kojine, en présentant à la presse, vendredi 17 janvier, les plans du centre qui s’élèvera sur le quai Branly, à la place de l’ancien siège de Météo France, acquis en 2010 par Moscou.
Un responsable russe n’hésite pas à comparer ce projet au Pont Alexandre III, pour le lien qu’il tisse entre les deux nations. « Nous allons faire tout le possible pour que ces travaux en plein centre de Paris ne durent pas trop, a précisé Vladimir Kojine, devant une forêt de micros et de caméras. Dans très peu de temps, les parisiens et les touristes qui visitent la capitale pourront admirer un nouvel ensemble architectural qui fera partie désormais de son visage ».
L’ensemble présenté vendredi par l’architecte Jean-Michel Wilmotte (désigné l’an passé pour reprendre la main après l’éviction soudaine du lauréat initial en raison des réticences esthétiques exprimées par les autorités françaises) séduit par la sobriété de ses lignes. Le projet final s’articule autour de quatre bâtiments distincts : un centre culturel, une église, un centre cultuel (comprenant amphithéâtre, bibliothèque et bureaux du clergé) ainsi qu’une école franco-russe destinée à accueillir 150 élèves russophones franciliens.
À deux pas de la Seine, une nouvelle voie piétonne va être percée
« Nous avons souhaité former un îlot très ouvert », souligne l’architecte, qui projette d’ouvrir une nouvelle voie piétonne, plantée d’arbres, de 115 mètres de long, partant du bout de l’avenue Rapp en direction de la Seine. « Ce passage sera accessible au public dans la journée ; les parisiens pourront l’emprunter à l’ombre des bâtiments ». La conception résolument aérée du projet (4 655 mètres carré de surface construite alors que les bureaux de Météo France s’étendaient sur 8 470 mètres carré) permettra en outre de valoriser davantage les façades du Palais de l’Alma, jusqu’alors peu visibles. Jardins et promenades agrémenteront le site. « Nous avons souhaité intégrer ce centre le plus possible dans l’urbanisme parisien », insiste Jean-Michel Wilmotte.
Conçus selon un principe d’horizontalité, les futurs bâtiments alterneront la pierre de Bourgogne – identique à celle de Notre-Dame de Paris – et un lit de verre, dont l’alliance assurera « une grande quiétude » selon son concepteur. Quant aux canons de l’orthodoxie, ils seront respectés à la lettre, avec l’édification de cinq bulbes dorés. La plus haute croix culminera à 35 mètres. Toutefois, la hauteur globale du bâtiment se veut modeste (18 mètres alors que le plan local d’urbanisme autorisait 22 mètres) ; une manière d’harmoniser, explique ses promoteurs, le site avec les édifices environnants.
Un projet qui pourrait s’élever à 100 millions d’euros pour la Russie
Jean-Michel Wilmotte dit avoir été intimement marqué par ses deux rendez-vous avec le patriarche de Moscou – « parmi les plus émouvants de ma vie professionnelle », a-t-il confié devant la presse – Kirill ayant lui-même pris le crayon pour suggérer des rectifications. « Une collaboration d’une grande intelligence », assure-t-il.
La réalisation du projet, dont le coût pourrait s’élever à 100 millions d’euros, sera confiée à l’entreprise Bouygues tandis que les fresques intérieures seront l’œuvre d’artistes russes, sans doute issus d’un grand atelier de Saint-Pétersbourg. Évêque orthodoxe russe en France, Mgr Nestor de Chersonèse salue « la beauté » d’un projet auquel il conviendra désormais « de donner un sens, un contenu ».
La cathédrale parisienne de la Trinité ?
« Destiné à la communauté orthodoxe de France, ce lieu jouera également un rôle important pour l’Église de Russie en permettant une ouverture vers la société occidentale, l’Église catholique », souligne-t-il. Le nom de la future cathédrale ? Il appartient au patriarche de Moscou d’en décider, précise Mgr Nestor…
Si rien n’est arrêté, l’idée de consacrer cette cathédrale parisienne à la Sainte Trinité pourrait s’imposer comme un choix naturel, alors que l’Église russe a célébré en 2013 les 700 ans de la naissance de saint Serge de Radonège (1313-1392), l’un des saints les plus populaires du pays. C’est cet ermite qui fonda au milieu du XIVe siècle la Laure de la Trinité-Saint-Serge, où Andreï Roublev réalisa la célébrissime icône de la Trinité. Ce choix manifesterait, pour Mgr Nestor, « une image d’harmonie, de communion, pour vaincre la haine de ce monde ».
La Croix