Le Comité Laïcité République impliqué dans une affaire d’islamophobie à la mairie de Paris

La journaliste voilée de Zaman France Suheda Asik s’est vue ordonnée de retirer son voile à l’Hôtel de Ville de Paris par des membres organisateurs du Comité Laïcité République. Un incident condamné par la Mairie de Paris.

 

Comité Laïcité République         Lundi 26 octobre, Le Comité Laïcité République organisait un événement de remise de deux prix de la laïcité, un prix national et un autre international qui sera décerné au pianiste turc Fazil Say, à la Mairie de Paris. Venue couvrir le sujet, la journaliste de Zaman France Suheda Asik, une jeune femme voilée, s’est présentée à l’entrée de l’Hôtel de Ville et après quelques minutes d’attente a pu pénétrer dans la salle où se sont déroulées les festivités.

C’est alors que deux membres de l’organisation dépendant du Comité Laïcité République l’ont interpellé individuellement, l’un de manière calme, l’autre sur un ton plus agressif, pour lui demander de retirer son voile.

«Enlevez votre voile!», lui a sèchement asséné la femme chargé de l’accueil et membre de l’organisation. Pour Suheda Asik, «ces faits sont inacceptables et ont malheureusement tendance à se banaliser». Elle se félicite tout de même des condamnations de la Mairie de Paris et du soutien exprimé sur les réseaux sociaux. Contacté par notre rédaction, Patrick Kessel n’a pas donné suite à nos sollicitations. Depuis la médiatisation de cette affaire, des réactions se sont néanmoins faites entendre. La Mairie de Paris a pris ses distances avec ce que Emmanuel Grégoire, adjoint à la Maire de Paris en charge des RH, du service public et de la modernisation de l’administration, a qualifié d’ «incident». «Nous regrettons profondément cet incident qui ne reflète en rien la politique de la ville», a-t-il tweeté.

Pour sa part, le responsable des relations presse de Paris Matthieu Lamarre juge l’incident «regrettable» et «pas tolérable, encore moins dans l’enceinte de l’Hôtel de Ville». «Zaman France a raison de s’indigner» a-t-il par ailleurs tweeté.

L’État, première source de discriminations islamophobes

David Perrotin, journaliste à Buzzfeed, affirme par ailleurs que Matthieu Lamarre a «recadré l’un des organisateurs». De son côté, la victime des faits parle «d’un incident déplorable qui arrive trop souvent et qui se banalise. Il faut en parler sans tomber dans la victimisation». Suheda Asik est néanmoins «contente des réactions de condamnations de la mairie de paris, de certains journalistes et du soutien sur les réseaux sociaux». Les actes de discriminations touchant des femmes voilées dans la sphère publique ne sont pas nouveaux.

Le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) qui publie chaque année un rapport recensant les actes islamophobes confirme cette tendance. «Les institutions publiques de l’État sont le premier responsable des actes islamophobes au niveau des discriminations. 69 % des cas de discriminations pour le premier semestre de 2015 ont été commis par des institutions publiques, le même niveau qu’en 2014. Les victimes sont toujours des femmes. 73 % des femmes sont ciblées.

Au bureau des impôts de Lille, par exemple, en début d’année une femme voilée n’a pas été servie pour avoir refuser d’enlever son voile comme le lui avait demandé l’agent administratif. Dans le document de certaines mairies du Val de Marne, on stipule l’obligation de retirer son voile pour se marier», répond à Zaman France Yasser Louati, le porte-parole du CCIF.

Patrick Kessel : l’islamophobie, un «concept sournois» et «trompeur»

Dans un article de Médiapart, le journaliste Mathieu Magnaudeix rappelle l’orientation laïcarde du Comité Laïcité République et le malaise qu’a soulevé, au sein du gouvernement la participation de Manuel Valls à cette cérémonie au cours de laquelle Patrick Kessel, l’actuel président de ce Comité, avait qualifié l’islamophobie de «concept sournois» et «trompeur».

«Ces dernières années, le prix national remis par le CLR, ou les prix spéciaux, ont toujours récompensé les tenants d’une approche dure de la laïcité : la directrice de la crèche Baby Loup Natalia Baleato (2011), la députée radicale de gauche Françoise Laborde (2012), l’ancienne ministre de Nicolas Sarkozy Jeannette Bougrab (2013), les philosophes Henri Pena-Ruiz et Catherine Kintzler l’an dernier (…) La venue du Premier ministre à ce «Prix» organisé par des défenseurs d’une laïcité maximaliste a suscité interrogation et réprobation au sein d’une partie de l’exécutif».

 

Zaman France

 

 

 

Fatima Achouri

Sociologue spécialiste de l’islam contemporain.

Nos services s'adressent aux organisations publiques ( Loi de 1905) et aux organisations privées.

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