« Réunis à Paris le 14 juin 2014, nous, l’aumônier national et les aumôniers régionaux musulmans des prisons, souhaitons renouveler notre ferme et totale condamnation de la barbarie qui a frappé des personnes innocentes au musée juif de Bruxelles. » Dans un communiqué diffusé lundi 16 juin, l’aumônier national des prisons, El Alaoui Talibi, a tenu à défendre le travail de ses confrères qui « tous les jours, sans compter (leur) temps ni (leur) énergie, (essayent) de transmettre aux personnes détenues des valeurs à la fois religieuses et humanistes ».
« Forts de tous ces efforts, sacrifices et dévouements accordés bénévolement aux personnes détenues, nous ne pouvons que déplorer le discrédit jeté sur notre travail », déclarent-ils, avant d’en venir à leurs revendications. « Notre présence en milieu carcéral est utile. Il est temps que les conditions dans lesquelles elle s’exerce soient garanties, selon la loi 1905 sur la laïcité qui n’introduit aucune différenciation entre les aumôneries. »
Statut professionnel
Concrètement, les aumôniers musulman des prisons réclament un « statut professionnel, comme en bénéficient les aumôniers hospitaliers et militaires », autrement dit une indemnisation. « Il nous fournira un cadre légal clair indispensable au bon déroulement de notre mission, dont par exemple la possibilité de financer des formations complémentaires », arguent-ils.
Par ces quelques lignes, l’aumônerie musulmane des prisons relance une question ancienne, celle de l’insuffisance des postes d’aumôniers musulmans indemnisés (actuellement au nombre de 169 pour l’ensemble du territoire). La secrétaire de l’aumônerie nationale, Samia Ben Achouba, par ailleurs aumônier régional du Nord Pas-de-Calais, a indiqué à l’AFP percevoir 800 € nets par mois pour ses interventions dans cinq établissements pénitentiaires.
Une carotte
« Pour exiger qu’un aumônier aille en prison, il faut une carotte, comme une couverture sociale ou une retraite », résume El Alaoui Talibi par téléphone. Pour nos frères catholiques, c’est l’Église qui peut payer cela. Mais pour nous, aucune structure ne peut le faire. Or une présence plus importante dans les prisons peut diminuer la radicalisation. »
Certains imams ou aumôniers expliquent ce manque de postes par celui, historiquement plus élevé, des aumôniers catholiques (518 aumôniers en 2007, mais dont 181 seulement sont indemnisés). « À la maison d’arrêt de Valence, 80 % des détenus sont musulmans. Or il y a trois aumôniers catholiques, deux protestants et un musulman », a ainsi rapporté l’imam lors d’un séminaire organisé dimanche 25 mai à la Grande mosquée de Lyon et consacré au « phénomène de la radicalisation ». « L’aumônier catholique est obligé de frapper aux portes quand son confrère musulman n’arrive pas à répondre à toutes les demandes qui lui sont adressées…. »
Défaut d’encadrement
Pour d’autres responsables musulmans, le manque d’aumôniers musulmans vient surtout de la difficulté à trouver des personnes suffisamment formées sur le plan religieux, et ayant suivi l’une des formations complémentaires pour cadres religieux proposées par l’Institut catholique de Paris, l’université de Strasbourg, de Montpellier, d’Aix-en-Provence ou, à Lyon, en partenariat entre Lyon III, l’université catholique et la Grande mosquée.
Certains pointent également leur défaut d’encadrement par l’aumônerie nationale. « C’est la première fois que les aumôniers régionaux des prisons se réunissaient », regrette ainsi Mohammed Moussaoui, ancien président du Conseil français du culte musulman et désormais président de la toute jeune Union des mosquées de France, qui présentait mardi 17 juin ses « états généraux contre le radicalisme ». « Ils ont très peu de formation, n’ont presque jamais de contacts avec des imams. Les conseils régionaux d’imams et d’aumôniers que nous proposons permettront justement de leur offrir cet espace de dialogue. »
La Croix