Les entreprises françaises se lancent à la reconquête de l’eldorado iranien

C’est un eldorado dont les entreprises françaises aimeraient bien profiter. Dans la perspective d’une levée des sanctions économiques imposées à l’Iran depuis 2006, une délégation française, composée d’une centaine d’entreprises et deux ministres, est arrivée dimanche 20 septembre à Téhéran. Tous espèrent poser les bases de nouvelles relations commerciales après la conclusion d’un accord international sur le nucléaire iranien.

 

 

Aux côtés de Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, et Matthias Fekl, secrétaire d’État au commerce extérieur, le Medef n’accompagne pas moins de 130 entreprises dont le pétrolier Total, l’avionneur Airbus ou le constructeur automobile Peugeot. La plupart des sociétés du CAC 40 seront représentées, mais aussi de nombreuses PME de l’agriculture, de la finance, du luxe, du secteur pharmaceutique, de la construction ou encore des transports.

Dans ce dernier secteur, le ministre iranien des transports a d’ailleurs déclaré, lundi 21 septembre, que son pays était en discussions avec Airbus et… Boeing pour acquérir des avions neufs en contrat de location ou location-vente. En août, un responsable de l’aviation civile avait affirmé que l’Iran avait l’intention d’acheter entre 80 et 90 avions de ligne par an.

  • Les échanges se sont effondrés

Très attractif, le marché iranien, avec ses 80 millions d’habitants et ses énormes besoins en infrastructures, n’est pourtant pas le Pays de cocagne dont rêvent les entreprises françaises. Yves Thibault de Silguy, vice-président de Medef International et vice-président du groupe de construction et de concessions Vinci, a mis les points sur les « i » le 10 septembre.

« Nous y allons dans un esprit de reconquête, dans le sens noble du terme, mais conscients qu’on a du travail à faire »

Partenaire traditionnel de l’Iran, la France a vu ses échanges avec ce pays s’effondrer ces dernières années sous l’effet des sanctions : de 4 milliards d’euros en 2004, ils sont tombés à 500 millions d’euros en 2013, et sa part de marché est passée de 7 % à 1 %.

Si les contacts seront sans doute « un peu plus opérationnels » que lors du précédent voyage, organisé en février 2014, « les entreprises sont conscientes qu’elles ne vont pas en Iran pour signer des contrats tout de suite », a reconnu un représentant du Medef, interrogé par l’AFP. Pour lui, les premières signatures devraient intervenir « plutôt à la fin du premier semestre 2016 ».

Dans sa course aux contrats, la France est en particulier désavantagée par la ligne ferme tenue durant les négociations qui ont abouti à l’accord sur le programme nucléaire iranien. Mais le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, qui s’est rendu à Téhéran durant l’été pour apaiser la relation entre les deux pays, a dit ne pas croire que cela puisse nuire aux entreprises françaises dès lors que les sanctions contre la République islamique seraient levées.

Les entreprises françaises vont faire face à la concurrence de grands pays européens au premier rang desquels l’Allemagne, mais aussi les États-Unis, la Chine ou la Corée du Sud.

  • Total a reposé des jalons

Présent en Iran depuis 1954, Total a été la dernière major à quitter le pays, en 2008. Ses dirigeants n’ont cessé de répéter qu’ils y reviendraient quand les conditions – politiques mais aussi économiques – le permettraient. « Nous avons une longue histoire avec l’Iran. L’Iran est un pays qui a la culture de l’histoire, donc je sais que Total sera bien accueilli », assurait le PDG du groupe, Patrick Pouyanné, en juin.

Il a rencontré des officiels iraniens, notamment le ministre du pétrole, Bijan Zanganeh, lors de la dernière réunion de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), le 4 juin, à Vienne. Et les autorités lui ont dit que le retour de Total serait le bienvenu.

Dans les années 2000, Total avait notamment investi dans l’une des phases de développement du gisement gazier géant de Pars-Sud en coopération avec le russe Gazprom et le malaisien Petronas.

 

  • Renault et PSA travaillent à leur réinstallation

Chez PSA, qui a été l’un des premiers constructeurs à se retirer du pays, en 2012, alors que les sanctions contre la république islamique étaient renforcées, Jean-Christophe Quémard, en charge de la zone Afrique Moyen-Orient, discute depuis plusieurs mois déjà de la création d’une coentreprise avec son ex-partenaire local, Iran Khodro. Celle-ci serait détenue à parts égales par les deux constructeurs.

La nouvelle coentreprise pourra définir son plan produit et développer ses véhicules sur les plates-formes les plus récentes du groupe, dotées de moteurs modernes. Les véhicules contiendront jusqu’à 70 % de pièces produites en Iran. La nouvelle coentreprise pourra exporter ces véhicules Peugeot dans la région.

Renault, qui n’a jamais totalement coupé les ponts avec l’Iran, prend la même orientation. Selon le Wall Street Journal, le groupe français entend entrer au capital de Pars Khodro, son partenaire local, voire racheter des actifs industriels à Saipa, la maison mère de Pars Khodro. De même, le groupe va y produire des Sandero, des Logan pick-up, voire des Kwid, son dernier véhicule à bas coût, développé en Inde.

 

  • La prudence reste de mise

A Paris, on pense pouvoir signer les premiers contrats dans les domaines qui n’étaient pas spécifiquement concernés par les sanctions américaines ou européennes, comme l’agriculture, secteur dans lequel la France est peu présente en Iran, en particulier dans la viande et le poulet.

Pour autant, il s’agit aussi de ne pas se précipiter. La visite pourrait faire naître des marques d’intérêt préalables à la conclusion d’accords durant la visite en France du président iranien Hassan Rohani, en novembre, même si aucun contrat d’envergure ne saurait être signé tant que les sanctions seront en vigueur.

Leur levée devrait débuter au premier trimestre 2016 si l’Iran se conforme aux obligations prévues par l’accord, destiné à l’empêcher de se doter de l’arme atomique. Et les Français resteront prudents tant que les États-Unis n’auront pas donné d’assurances claires sur la liberté de commercer, dit-on de sources diplomatiques et entrepreneuriales.

« L’objectif c’est de découvrir, apprendre, comprendre pour pouvoir ensuite monter des projets dans le court et le moyen terme, a dit à l’agence de presse Reuters le secrétaire général du groupe coopératif agricole Axéréal, Stéphane Michel. Il y a encore des contraintes, notamment des problématiques de change. Le pays aujourd’hui n’est pas raccordé au système financier mondial. Les sanctions américaines n’ont pas été levées. Ce pays n’est pas encore totalement connecté au monde. »

L’année dernière, BNP Paribas a écopé d’une amende de près de neuf milliards de dollars pour avoir violé des embargos américains.
Le Monde.fr

 

Fatima Achouri

Sociologue spécialiste de l’islam contemporain.

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