Tunisie : le gouvernement veut récupérer les mosquées tombées aux mains des djihadistes

La Tunisie a bien l’intention de reprendre en main les mosquées tombées sous le contrôle de la mouvance islamiste jihadiste en leur imposant de nouveaux imams. Le gouvernement espère boucler l’opération en moins de trois mois, a affirmé un des responsables, mercredi. Une mosquée à Tunis le 13 janvier 2014.

Confrontée depuis la chute de Ben Ali, début 2011, à un essor de la mouvance islamiste jihadiste, la Tunisie veut reprendre le contrôle des mosquées tombées entre les mains des radicaux. « Nous avons commencé il y a deux semaines à appliquer une stratégie visant à récupérer les mosquées hors de contrôle, sur une période ne dépassant pas les trois mois », a affirmé mercredi 12 mars Abdessattar Badr, un haut responsable du ministère des Affaires religieuses.

 

D’après lui, 149 des 5 100 mosquées tunisiennes échappent au contrôle de l’État, et environ 50 seraient aux mains de radicaux. Un nombre que certains observateurs estiment toutefois sous-estimé. Selon le porte-parole du ministère de l’Intérieur, Mohamed Ali Aroui, au lendemain de la chute de Ben Ali, dont le régime réprimait toute opposition islamiste et contrôlait de près les mosquées, « plus de 1 000 » d’entre elles seraient en effet tombées aux mains de fondamentalistes. Ils « ont expulsé par la force les imams nommés par le ministère des Affaires religieuses, sous prétexte qu’ils étaient des restes de l’ancien régime », a-t-il déclaré.

« Chaque semaine, nous fixons une liste »

La nouvelle Constitution tunisienne, adoptée fin janvier, charge l’État de garantir la neutralité des mosquées et des autres lieux de culte. D’après Abdessattar Badr, un comité rassemblant des représentants des ministères de l’Intérieur, des Affaires religieuses et de la Justice a été chargé d’appliquer la nouvelle stratégie des autorités. « Chaque semaine, nous fixons une liste de mosquées devant être récupérées, après avoir officiellement chargé des imams aux idées modérées et tolérantes de les superviser », a-t-il ajouté. « Avant d’agir, nous dialoguons avec ceux qui ont pris ces mosquées, qui signent des engagements écrits » à les quitter, a-t-il encore expliqué, sans préciser les mesures prévues en cas de refus.

« Ils incitent dans leurs prêches (à la violence) contre les forces de l’ordre et l’armée, qu’ils qualifient de tyrans », a déclaré Mohamed Ali Aroui, avant de poursuivre : « Ils incitent aussi au jihad en Syrie et tentent de répandre des idées extrémistes étrangères à la société tunisienne ». Mardi, le prédicateur salafiste Khamis Mejri, connu pour son admiration pour le fondateur d’Al-Qaïda Oussama Ben Laden, a été placé en détention provisoire pour avoir prononcé des prêches sans autorisation dans des mosquées de Bizerte (nord) et des environs.

Retour en arrière ?

Le ministère des Affaires religieuses a aussi annoncé lundi avoir décidé de fixer les horaires d’ouverture et de fermeture des mosquées, une première depuis trois ans. Certains craignent donc que cette reprise en main ne soit le signe d’un retour en arrière sous couvert de lutte contre le terrorisme. « La ‘neutralisation’ des mosquées, c’était le plan adopté par Bourguiba et Ben Ali, ce qui a transformé les mosquées en porte-voix de ces régimes », a ainsi estimé Houcine Labidi, imam de la mosquée Zitouna, à Tunis, en qualifiant les nouvelles mesures de menaces à la démocratie.

Sous Ben Ali, les Tunisiens fréquentant les mosquées, en particulier ceux qui se rendaient à la prière de l’aube, étaient l’objet d’enquêtes et étaient parfois convoqués au ministère de l’Intérieur. D’autre part, c’était ce dernier qui décidait du contenu des prêches de la prière hebdomadaire du vendredi.

 

Jeune Afrique/AFP


F. Achouri

Sociologue.

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