Vote de l’Unesco sur Jérusalem-Est : les raisons de la polémique

La France regrette d’avoir voté une décision de l’Unesco en faveur de la sauvegarde du patrimoine culturel palestinien qui provoque l’ire d’Israël et la colère des milieux juifs français.

Le processus de paix entre Israël et les territoires palestiniens que la France ambitionne de relancer en organisant le 30 mai prochain une réunion ministérielle internationale ne s’annonce pas sous les meilleurs auspices. La décision visant à « sauvegarder le patrimoine culturel palestinien et le caractère distinctif de Jérusalem-Est », votée par le conseil exécutif de l’Unesco le 14 avril dernier, suscite de forts remous diplomatiques.

Que dit le texte ?

La décision, portée par sept pays arabo-musulmans, dénonce vertement les agissements d’Israël sur l’esplanade des mosquées dans la vieille ville de Jérusalem-Est, c’est-à-dire dans la partie palestinienne de la ville annexée et occupée par Israël.

Sont entre autres dénoncés les nombreux projets de construction, « les agressions israéliennes et les mesures illégales limitant la liberté de culte » des musulmans, « l’interdiction faite aux musulmans d’inhumer leurs défunts » et « l’installation de fausses tombes juives » dans des cimetières musulmans, « la violation que représente la conversion persistante de nombreux vestiges islamiques et byzantins en soi-disant bains rituels juifs ou lieux de prière juifs », etc.

 

La décision portée par l’Algérie, l’Égypte, le Liban, le Maroc, Oman, le Soudan et le Qatar, a été adoptée par 33 voix pour, dont celles pour les pays occidentaux de la France et de l’Espagne. Alors que six pays ont voté contre (États-Unis, Allemagne, Pays-Bas, Royaume-Uni, Estonie et Lituanie – 17 pays se sont abstenus).

La France a dans un premier temps justifié son vote. « Nous avons voté en faveur de cette résolution dont l’objet principal est la préservation du statu quo à Jérusalem, qui est menacé, et la préoccupation face à la poursuite de la colonisation », déclarait le quai d’Orsay le 25 avril dernier, tout en précisant que « la position de la France, qui a toujours défendu avec constance la liberté d’accès et de culte à Jérusalem et qui considère que Jérusalem est le berceau des trois grandes religions monothéistes et appartient à tous les croyants, juifs, chrétiens et musulmans, n’a pas changé ».

Pourquoi la France fait-elle volte-face ?

La semaine dernière, le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a qualifié la décision de « scandaleuse » et annoncé qu’il organiserait une conférence sur l’histoire du judaïsme pour le personnel des Nations unies car, selon lui, le texte « ignore le lien historique unique entre le judaïsme et le mont du Temple ».

Depuis lors la polémique n’a cessé d’enfler. En France, le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) et le Consistoire (instance religieuse) se sont insurgés contre le positionnement de la France. Ce vote de l’Unesco « est une insulte aux juifs du monde », a déclaré Roger Cukierman, président du Crif, dans une lettre adressée au président.

Lundi soir, le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve a, devant les Amis du Crif, regretté le vote de la France en faveur d’une résolution « mal rédigée ». Le premier ministre Manuel Valls, qui doit se rendre en Israël du 21 au 24 mai, a également estimé devant les députés mercredi, que ce vote aurait dû être évité. François Hollande lui-même est monté au créneau regrettant « l’incompréhension » qu’a suscitée ce texte.

Que dit l’Unesco sur le site de l’esplanade ?

L’Unesco a inscrit en 1982, et maintenu depuis lors, la vieille ville de Jérusalem et ses remparts sur la liste du patrimoine mondial en péril. Au fil de ses rapports, le centre du patrimoine mondial se déclare régulièrement « profondément préoccupé » par le comportement des autorités israéliennes en matière de fouilles et de construction.

« Rien ne devrait être entrepris qui puisse modifier l’intégrité et l’authenticité » de Jérusalem avait, en des termes très diplomatiques, déclaré la directrice générale de l’Unesco, Irina Bokova le 17 avril dernier, à l’issue de la session du comité exécutif de l’organisation.

 

La Croix

F. Achouri

Sociologue.

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