Le zoroastrisme est la religion monothéiste révélée la plus ancienne et pourtant la plus méconnue. Les zoroastriens sont environ cent-mille dans le monde. Leur sagesse vise l’harmonie en trois mots : Humata, Hukhta, Huvarshta, « bonnes pensées, bonnes paroles, bonnes actions ».
Il est toujours interdit aux non-zoroastriens de pénétrer dans un « Temple de Feu » et personne ne peut se convertir à leur religion. On naît zoroastrien – ou Parsi –, d’un père zoroastrien. Zoroastre, l’« enfant né en riant » environ 1400 ans avant la naissance du Christ – l’époque à laquelle il vécut est sujette à discussions –, enseignait que la seule conversion qui vaille est la conversion du cœur et de la conscience.
Le feu de la sagesse éternelle d’Ahura Mazda, le Dieu absolu, ne s’est ainsi jamais éteint. Il continue d’illuminer la vie quotidienne des Parsis qui vivent leur religion sans jamais renoncer au monde, mais en s’engageant dans l’action professionnelle et sociale avec de « bonnes pensées », sans prosélytisme, et en rejetant toute forme de violence, d’idolâtrie ou d’oppression. Zoroastre donnait des directions spirituelles, sans dogmatisme ni fatalisme.
La moitié des cent-mille zoroastriens vit aujourd’hui à Bombay. Chez ceux qu’il m’est donné de fréquenter dans la mégapole indienne depuis des années, la tradition occupe toujours une place centrale. Zoroastre orne les murs de chaque maison, comme s’il gardait un œil bienveillant sur les manifestations de ses propres enfants. Le « Feu originel », apporté de l’Iran, continue de brûler à Udvada, un petit village en bord de mer, de l’État du Gujarat, qui demeure le principal lieu de pèlerinage des fidèles.
« Soyez joyeux et riez »
L’enseignement de Zoroastre – qui inspira à Nietzsche son célèbre Ainsi parlait Zarathoustra en 1885 –, si ancien et moderne à la fois, insiste sur l’importance de la prière, de l’humilité, du don de soi et de la bonne humeur, clés essentielles d’une vie spirituelle, comme en témoignent encore les Parsis : « Ne ratez jamais une occasion de faire une bonne action. L’art de prier est de ne jamais prier pour soi-même mais toujours pour son prochain. Soyez joyeux, riez autant que possible. Le rire est le meilleur médicament ». L’humour, omniprésent dans la communauté, m’est toujours apparu comme une voie royale vers le rappel de cette humilité essentielle, impersonnelle, vide de sa propre personne.
J’ai demandé à Ervad Dr Ramiyar Karanjia, qui forme les jeunes prêtres zoroastriens, quel était le sens de la sagesse et de l’éveil dans cet enseignement : « La sagesse est la capacité permettant à l’esprit de prendre des décisions basées sur l’information accumulée et les expériences passées. Elle implique également la connaissance de soi, de ses origines et de sa vie. Nos décisions évoluent avec notre niveau d’information. Quand l’esprit a intégré et converti en sagesse suffisamment de connaissances, la sagesse intérieure commence à se dévoiler avec l’aide de l’Intelligence Universelle. Un moment arrive où tout paraît rentrer dans l’ordre et l’univers entier semble être un seul organisme. Tout ce qui n’est pas significatif se fondra automatiquement dans l’insignifiance. Cet état est appelé Éveil, Illumination. »
Les rites de passage ponctuent la vie du zoroastrien pour le rappeler sans cesse à son devoir. À sa mort, il sera conduit à la « Tour de Silence », et son corps donné en offrande aux oiseaux, le temps que l’âme puisse prendre son envol vers le grand soleil. Toute sa vie, l’enfant de Zoroastre s’est répété que « la vertu élève le Grand prêtre et le rend aussi puissant qu’un roi », car « heureux sont ceux qui ne travaillent pas pour eux mais pour Dieu, car ils atteindront la divinité ». Extraite de l’Avesta – le livre sacré des zoroastriens, composé 600 ans avant notre ère en iranien ancien –, cette prière résume bien la sagesse des Parsis. « Quiconque chante le Yathâ Ahû Vairyô, enseigna Ahura Mazda à Zoroastre, je le protègerai comme mille soldats protège un homme. Celui qui chante cette prière et vie sa vie selon sa signification, son âme sera portée au Paradis ».
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