Laïcité à l’hôpital : haro sur la barbe !

Une cour administrative d’appel a donné raison au centre hospitalier de Saint-Denis, qui avait renvoyé un stagiaire en 2014, jugeant sa barbe ostentatoire.

 

La décision risque de faire couler beaucoup d’encre. La cour administrative d’appel de Versailles, dans un arrêt rendu le 19 décembre dernier, a considéré que le port d’une longue barbe par un élève médecin du centre hospitalier de Saint-Denis, en banlieue parisienne, ne respectait pas les « obligations en matière de neutralité religieuse ». Et ce, « bien que le port de sa barbe ne s’est accompagné d’aucun acte de prosélytisme ni d’observations des usagers du service », peut-on lire.

L’histoire remonte à quelques années. En novembre 2013, Mohamed*, étudiant en médecine à l’université égyptienne de Menoufeya, est accueilli au sein du service de chirurgie générale, viscérale et digestive du centre hospitalier de Saint-Denis, en vertu d’une convention de stage. Quatre mois plus tard, en février 2014, l’hôpital dénonce la convention au motif que Mohamed refuse de se tailler la barbe.

Pas de comportement prosélyte

L’étudiant égyptien réplique et demande au tribunal administratif de Montreuil de faire annuler cette décision, mais ce dernier lui donne tort. Le jeune homme va alors saisir la cour administrative d’appel de Versailles. Interrogé, le praticien responsable du stage se range à l’avis de sa hiérarchie et évoque les « perturbations suscitées par cette situation au sein de son service ».

 

Dans son raisonnement, la cour semble d’abord se ranger à l’avis de Mohamed, estimant que le port de la barbe, « même longue », « ne saurait à lui seul constituer un signe d’appartenance religieuse en dehors d’éléments justifiant qu’il représente effectivement […] la manifestation d’une revendication ou d’une appartenance religieuse ».

Un hôpital sensible sur la laïcité à cause de « l’environnement multiculturel »

Mais elle rappelle que le devoir de neutralité s’impose aux services publics. Et que ce principe s’oppose à ce que les agents publics manifestent leurs « croyances religieuses dans l’exercice de [leurs] fonctions ». La barbe de Mohamed ayant gêné les « membres du personnel », et « l’environnement multiculturel » de l’hôpital rendant l’application du principe de neutralité « d’autant plus importante », le refus du stagiaire de tailler sa barbe doit s’analyser en un manquement au principe de laïcité, conclut la cour.

La décision de l’hôpital de résilier la convention de stage n’était donc pas « disproportionnée », ajoute-t-elle.

 

Le Point

Fatima Achouri

Sociologue spécialiste de l’islam contemporain.

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